On ne sait ce que guette ce vagabond au regard vitreux, si ce n’est la vengeance lointaine, mais point oubliée, qu’il va devoir assouvir. Pour son second long-métrage, Jérémy Saulnier a l’audace de tout faire passer par le regard de Macon Blair, interprète quasi-muet, mais ça ne suffit pas.

 

Barbu le regard perdu, méfiant, Dwight (Macon Blair) nous paraît bien mystérieux. Les gros plans sur son visage s’enchaînent, les décors changent, mais ce protagoniste reste imperturbable. Puis se manifeste enfin une réaction, c’est déjà un début. En apprenant la libération de l’assassin de ses parents, Dwight se transforme et décide de se faire justice lui-même.

Pas ou peu de dialogues. Les échanges passent par le regard. Chaque clignement de paupières, chaque mouvement d’yeux constituent des discours en soient. La peur s’y exprime, la haine y apparaît parfois, pour disparaître aussitôt et laisser à nouveau place à la peur. C’est elle qui conditionne le film et son héros, poussant ce dernier à se dépasser, à oublier qu’il n’est qu’un homme simple et faible, noyé dans sa vengeance et susceptible de ne refaire surface qu’une fois cette dernière assouvie.

Malheureusement, la vengeance est un thème à la fois simple et horriblement compliqué à manier. L’originalité du film se devine, mais ne s’impose pas. Le trop grand respect des codes du genre plombe Blue Ruin ainsi que la puissance de jeu de Macon Blair. Le scénario reste prévisible : le personnage s’affirme, le cercle vicieux se forme, et l’hémoglobine finit par refaire la décoration des murs. La chute ne se distingue pas du reste, encore une fois à cause de ces codes trop respectés. Blue Ruin sent le « déjà vu ».

Jérémie Robert

 

BLUE RUIN (Etats-Unis, 2013), un film de Jeremy Saulnier, avec Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack. Durée : 92 minutes. Date de sortie en France indéterminée.