PEOPLE MOUNTAIN, PEOPLE SEA de Cai Shangjun

People Mountain, People Sea était le film-surprise de la Compétition vénitienne. A partir d’une simple histoire de vengeance, Cai Shangjun observe avec un sens du cadre exceptionnel l’étendue des souffrances de son peuple.

« People Mountain, People Sea » est un proverbe chinois qui évoque l’idée d’un « océan de monde ». Le film de Cai Shangjun ne traduit pas exactement l’expression à l’écran. Il ne reflète pas directement l’étendue et la variété des visages qui compose sa nation. Son approche est moins anthropologique que figurative : Lao Tie, le protagoniste à la recherche du meurtrier de son frère, porte en lui l’ensemble de ses compatriotes. Ici réside l’idée la plus ingénieuse de People Mountain, People Sea : Lao Tie semble se démultiplier et posséder le don d’ubiquité, tant ses actions sont disparates et les lieux qu’il traverse, multiples. Plus encore qu’un habituel personnage central, il est l’épicentre du réseau de souffrances et de violences décrit par Cai Shangjun. Lao Tie mène une enquête, retrouve une famille, commet un viol, un meurtre, devient brièvement berger dans une montagne, employé clandestin d’une mine locale, etc. Un « océan » de visages et une multitude d’actes aussi brutaux que désespérés l’encerclent. Lao Tie est à la fois le produit et la victime de la violence environnante.

Longtemps, Cai Shangjun parait seulement dresser un panorama objectif d’actions criminelles et de personnages nuisibles, au gré des péripéties et des rencontres de son protagoniste. L’aboutissement du voyage de Lao Tie offre pourtant un éclairage radicalement différent au récit. Cai Shangjun rejette la simple monstration de la profusion de blessures et souffrances de son pays. Il les panse calmement. Nettoyer les plaies puis repartir sur des bases saines, suggère le cinéaste. La Chine qu’il filme s’observe telle une terre gangrénée, vouée à l’implosion. Une scène allégorique explicitera, in fine, cette pensée. La puissance qui s’en dégage est exceptionnelle. Le sens du cadre dont fait preuve l’auteur à cet instant n’a rien d’accidentel : People Moutain, People Sea fait preuve d’un raffinement visuel permanent. L’élégance des plans larges lors de l’errance rurale de son protagoniste n’aura d’égal que le découpage, pressant et rigoureux, de la longue séquence de suspense prenant place dans les dédales ténébreux de la mine. Le climat est pesant, le tempo grisant. People Moutain, People Sea retrouve ensuite la lumière. A chacun d’y voir alors l’image terminale d’un constat accablant ou la première lueur d’espoir d’une nation prête à renaître de ses cendres.

Lisez notre entretien avec le réalisateur du film, Cai Shangjun

PEOPLE MOUNTAIN, PEOPLE SEA (Chine, 2011), un film de Cai Shangjun, avec Chen Jianbin, Tao Hong, Wu Xiubo. Durée : 91 min. Sortie en France prévue le 24 avril 2013.

Hendy Bicaise
Hendy Bicaise

Cogère Accreds.fr - écris pour Études, Trois Couleurs, Pop Corn magazine, Slate - supporte Sainté - idolâtre Shyamalan

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