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Un petit groupe de trentenaires quitte Paris au cœur de l’été, sur un coup de tête, pour partir en vacances au bord de la mer : La fille du 14 juillet contient des scènes hilarantes, mais décalque tellement certains modèles de la Nouvelle Vague qu’il en devient parfois passéiste, un vieux film d’aujourd’hui, comme réalisé en mai 1968 et sorti du grenier.
Avec L’écume des jours, Michel Gondry a fait du presque neuf avec du vieux. Au point que son adaptation du roman de Boris Vian a pu apparaître comme une sorte d’anti Amélie Poulain, non pas qualitativement parlant, mais thématiquement parlant. Jean-Pierre Jeunet situe son histoire de nos jours dans un Paris villageois aux airs de naguère, alors que Michel Gondry incruste une histoire d’hier dans une France à la fois pré-soixante-huitarde et actuelle, relevant même le défi d’utiliser comme décor les Halles aujourd’hui en travaux. La pertinence de l’une ou l’autre des approches sera laissée à la discrétion du spectateur. Ce qui compte, c’est de poser ces deux balises afin de comprendre que La fille du 14 juillet se situe quelque part entre les deux, en faisant du presque vieux avec du neuf.
Le neuf : les images des arrivées de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, sur le podium en haut des Champs-Elysées, avant le défilé militaire ; des acteurs à la filmographie encore naissante ; et ce contexte de crise que nous connaissons bien. Le vieux ou presque : un humour délirant et une absence de nuance rappelant les belles heures du cinéma de Jean-Pierre Mocky (une brève scène allie les deux, quand Denis Podalydès en policier fait la démonstration d’une arme mortelle contre les délinquants récidivistes) ; une trame évoquant parfois celle d’A bout de souffle et un style haut en couleur hérité de Pierrot le fou et Week-end, tous de Jean-Luc Godard ; un esprit libertaire et frondeur comme celui qui souffle au début des Naufragés de l’île de la tortue de Jacques Rozier. Tout cela est très beau, inspiré, et sied en plus parfaitement au propos, à ce départ improvisé d’un groupe de trentenaires en vacances d’été qui tourne à la cavale. Sauf que l’ancienneté toute relative de la forme date le propos, et qu’à force de reprendre des codes du passé – passé récent mais passé tout de même – La fille du 14 juillet en devient presque passéiste. Certains ont reproché cela à Jean-Pierre Jeunet. On espère que les mêmes oseront aussi faire le reproche à Antonin Peretjatko, et qu’ils ne trouveront pas la démarche de ce dernier plus aimable parce qu’elle emprunte à la Nouvelle Vague, plutôt qu’au réalisme poétique de Carnet et Prévert (l’un ne doit pas être considéré comme supérieur à l’autre, le mouvement de réévaluation permanent qu’est l’histoire du cinéma en atteste). A moins de se poser en idéologue, et de considérer la Nouvelle Vague comme progressiste, et le « cinéma de papa » comme conservateur ? En ce cas, pourquoi la France de La fille du 14 juillet n’est-elle pas celle de Gondry dans L’écume des jours ?
Il est toujours crétin de reprocher à une production son maniérisme ou son éventuelle non-représentativité de la population. Peretjatko a entièrement le droit de faire un film « à la manière de », un film qui n’aurait de contemporain que sa date de sortie, surtout qu’il le fait bien ; et personne n’a envie de voir un film perclus de quotas, au point de ressembler à une publicité Benetton, mais si la question se pose pendant la projection, peut-être cela importe-t-il. Considérons simplement les cinq personnages principaux de L’écume des jours, et ceux de La fille du 14 juillet : pour le premier, deux femmes et trois hommes, deux Blancs, deux Noirs, et un acteur né à Casablanca ; pour le second, deux femmes et trois hommes, tous Blancs. Ces derniers ne croiseront sur leur route, de Paris jusqu’à la plage, aucune autre couleur de peau. D’où l’impression qu’en adoptant les codes de la Nouvelle Vague, le film en a pris tous les modes de représentation, y compris ceux correspondant à la société de son époque. La fille du 14 juillet n’est pas rétrograde et encore moins raciste (mettre en scène un type particulier d’individus, quel qu’il soit, ne peut suffire à être taxé de raciste, ou alors tous les contes des quatre saisons d’Eric Rohmer le sont). Il est même souvent hilarant, tendance Pieds Nickelés, et ce n’est pas rien. Toutes les séquences incluant Placenta (Serge Trinquecoste), docteur exerçant sans diplôme depuis 1968, sont délirantes au possible. Sur un coup de tête, ce mélange de Darry Cowl et de Taz le diable de Tasmanie peint un mur en blanc pour y projeter des diapos, tire des balles chloroformées sur son jeune fils déguisé en cloporte, se tire avec une nymphette en prétextant aller acheter des cigarettes. Le plaisir et la fantaisie sont là, mais pas suffisamment pour empêcher de regretter que La fille du 14 juillet ne soit pas plus précisément celle du 14 juillet 2012 ou 2013.
LA FILLE DU 14 JUILLET (France, 2013), un film d’Antonin Peretjatko, avec Vimala Pons, Grégoire Tachnakian, Vincent Macaigne, Marie-Lorna Vaconsin, Thomas Schmitt, Serge Trinquecoste. Durée : 88 min. Sortie en France le 5 juin 2013.