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Faux film choc, vrai film toc ? Oui, mais sciemment, et à bon escient. Amat Escalante place le spectateur de Heli à distance, et lui dévoile les rouages et trucages de son théâtre de l’horreur ordinaire.
Heli aurait dû être le film choc de la Compétition. Énumérons. Amat Escalante filme un pendu, des parties génitales masculines enflammées, d’autres féminines filmées de l’intérieur, un homme fusillé, des déjections humaines à vau-l’eau, un chien tué par balles, un autre avec la nuque brisée, etc. Et pourtant, plus il en fait, plus ça passe. Car c’est à mesure que l’on se détache du film qu’il devient attrayant. Ceci n’empêchant pas Escalante de raconter une histoire, de surcroit avec sérieux, celle d’une famille décimée par des policiers corrompus, puis d’un frère à la recherche de sa petite soeur kidnappée. Mais c’est en cessant de recevoir les scènes de violences et de torture selon l’impact qu’elles peuvent avoir sur les personnages, pour ne plus s’attacher qu’à leur exécution, qu’elles font le plus d’effet. En cela, Heli s’apprécie comme une compilation didactique d’effets spéciaux, d’illusions et de trucages. Les parties génitales s’enflamment en synthèse, l’utérus dévoilé par le moniteur n’est pas celui de l’actrice, les déjections sont de savantes mixtures, le chient est sauvé par un plan noir, l’autre n’est qu’une peluche, etc. L’éloignement est le même quand Escalante filme une scène de torture dans un salon, cadrant dans le même espace un ado battu à coup de planche et l’écran d’un jeu vidéo de baston sur Playstation Move. Plus que jamais, les rouages s’exposent : les corps en mouvement, l’illusion de l’impact, tout est là. Au spectateur de porter son regard sur un spectacle de violence qui l’amuse ou le heurte.
Amat Escalante invite le public à prendre le recul nécessaire pour considérer Heli comme un exercice de style. Ses personnages, en revanche, les deux pieds dans la fiction, n’ont pas cette chance. Terre à terre, le cinéaste ne leur offre pas d’élévation. Dans le cas du personnage éponyme, inconsolable depuis la mort de son père et la disparition de sa sœur, le désir d’évasion est irrépressible autant qu’impossible à assouvir. Cette échappée, empêchée par un plafond invisible, Escalante la traduit en symboles. L’ado Heli semble fantasmer l’idée d’être enlevé par des extra-terrestres pour ne plus avoir à supporter les affres de son bas-monde. Il voit deux lumières éblouissantes s’approcher de lui, il contemple les cieux autant qu’il le peut, il sent la terre trembler, sort sur son palier et se retrouve observé depuis une plate-forme, plusieurs mètres dans les airs, qui tarde à se laisser identifier. Au plan suivant, Escalante révèle finalement un camion de l’armée, gigantesque, mais pas le vaisseau spatial attendu par le jeune homme. Si les personnages du film souffrent de ne pas pouvoir fuir la réalité, le spectateur lui, peut remercier son auteur de l’en avoir suffisamment tenu à distance.
HELI (Mexique-Allemagne-Pays-Bas-France, 2013), un film d’Amat Escalante, avec Armando Espitia, Linda Gonzalez, Juan Eduardo Palacios. Durée : 105 min. Sortie en France le 9 avril 2014.