La revue de presse de CANNES 2013

Qui de Léa Seydoux ou de Ryan Gosling truste les couvertures ? Madame Figaro est-il plus de droite que Next, le supplément de Libération ? Jessica Chastain a-t-elle trop la grosse tête pour Grazia ? Les Cahiers du Cinéma veulent-ils mettre le feu au tapis rouge ? Un échantillon de crème exfoliante peut-il suffire à gommer toute la misère du monde ? Toutes les réponses à ces questions, et bien d’autres encore, sont là.

 

Be LEA 1 : BE (n° 135, juin 2013)

Comme l’on dit vulgairement, le Festival de Cannes, Be s’en bat franchement le steak. Si son édito tente de jeter un pavé dans la mare du sexisme au cinéma, Be n’a pas envie de causer et veut des images, comme celles de Léa Seydoux en shooting au Sénégal. On les voit venir les anticolonialistes de tous bords, prêts à s’insurger devant ce folklore de Pier Import ! Erreur. La mère de Léa a longtemps vécu au Sénégal, elle parle wolof, apprend-t-on, et elle a même fondé une association d’aide aux jeunes mères victimes de violence. Quant à l’actrice, elle revient souvent sur l’île de Gorée, où elle a « passé des vacances insouciantes, sauvageonnes ». Autrement dit, Léa est presque quasiment approximativement sénégalaise, n’en déplaise aux bougons.

L’EXTRA NON-CANNOIS : « Le sexe, oui… Mais quand ? ». Excellent question, en attendant la suite : l’anatomique « Le sexe, oui… Mais où ? », le pragmatique « Le sexe, oui… Mais combien ? », et surtout le sartrien « Le sexe, oui… Mais pourquoi ? ».

 

GlamourLEA 2 : GLAMOUR (n° 111, juin 2013)

Léa Seydoux, « une grande actrice qui ne fait pas de cinoche », face à un magazine qui n’hésite pas à lui dire ses quatre vérités. Et si ça doit se faire autour d’un chocolat chaud, alors qu’il en soit ainsi ! Léa fait des complexes ? Glamour attaque : « Euh… Vous êtes quand même sublime ! ». La belle ne se laisse pas faire : « Ah bon, vous trouvez ? C’est gentil. Je dois avouer que c’est encore difficile de me regarder ». Le reste de l’entretien est à l’image de ce démarrage : irrévérencieux, corrosif, offensif, ne laissant à la pauvre Léa que son sweat Mickey sur les épaules, et l’aveu de sa passion adolescente pour les 3T , Doc Gynéco et Drazic de la série Hartley, cœurs à vif.

L’EXTRA NON-CANNOIS : Un gommage exfoliant peau neuve aux poudres de bambou, offert par Clarins. On teste prochainement et on vous tient au courant.

 

TéléramaLE PETIT RYAN : TELERAMA (n° 3304, semaine du 11 au 17 mai 2013)

Cannes attend Ryan Gosling, mais Télérama ne semble pas vraiment attendre Cannes. Seulement deux pages – trois en comptant une photographie époque Drive – consacrées à Ryan Gosling, rencontré « dans le Michigan, au fin fond d’une banlieue de Détroit sinistrée par les crises en série ». C’est là qu’il réalise son premier long-métrage. L’occasion de rappeler que Ryan est canadien, qu’il s’est fait expulser de son école à cause de Rambo (il avait apporté des couteaux de cuisine en classe), qu’il a été élevé dans la religion mormone, qu’il était très attaché à son oncle très doué pour imiter Elvis, et qu’il « déteste les gros durs », allant même jusqu’à présenter son personnage d’Only God Forgives comme un « émasculé ». On pourra en juger sur pièces, puisqu’il affirme préférer « déshabiller [ses] personnages ».

L’EXTRA NON-CANNOIS : Les critiques des films présentés sur la Croisette ces dernières années, pour cause de diffusion télé : Mulholland Drive, Match Point, Bright Star, Rosetta, Two Lovers, Sur la route, Barton Fink, Moonrise Kingdom, Cosmopolis, 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Le ruban blanc, etc. De quoi se faire un menu best of à la maison.

 

PremièreLE GROS RYAN : PREMIERE (n° 435, mai 2013)

Ryan Gosling succède à Robert Pattinson en couverture et impose le rose flashy de Drive. Mathieu Carratier, son intervieweur, n’hésite pas à se présenter comme un pote de beuverie de l’acteur, l’ayant vu se faire jeter d’une fête deauvillaise dix ans auparavant, pour avoir voulu emporter une bouteille de whisky avec lui. Une jolie phrase : « Drive était construit comme un songe. Sur le tournage d’Only God Forgives, j’imaginais parfois que je jouais le même personnage que dans Drive, dont le rêve se serait transformé en cauchemar ». Pas de portfolio classe, comme avec Robert l’année dernière, malheureusement. Et c’est tout ? Que nenni. Le gros morceau suit, avec l’interview croisée de Nicolas Winding Refn et Gaspar Noé. Qu’est-ce qui les a choqués au cinéma ? Pour le premier, le moment où l’héroïne du Choix de Sophie doit choisir entre son fils et sa fille, et pour le second, celui où un père laisse son fils se faire fouetter par son patron dans Pelle le Conquérant. Pour défoncer des crânes, ça joue les fiers, mais devant Meryl Streep et Bille August, ça fait moins son malin…

L’EXTRA NON-CANNOIS : Dans Première spécial Cannes ? Même l’agence derrière l’affiche du Festival 2013 est interrogée. Une petite présentation (bien) illustrée pour chaque film en compétition (avec en prime « l’info qui sert à rien », comme le rappel de la cessation d’activité du magazine Jeune & Jolie en 2010, après 22 ans de publication), un aperçu de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique, Tony Servillo, Bérénice Béjo et Tahar Rahim, et Gatsby : de quoi avoir une vision périphérique de la manifestation.


Les Cahiers du CinémaLE RABAT-JOIE : LES CAHIERS DU CINEMA (n° 689, mai 2013)

Une couverture encore plus rouge CGT que l’année dernière, malgré quelques petits petons joliment chaussés en haut, et pour cause : il n’est pas seulement question de tapis rouge, mais d’un gros dossier (28 pages) autour de la nouvelle convention collective qui agite le cinéma français. « Il ne suffit pas de critiquer les films qui arrivent, la mission des Cahiers est de formuler ce qui manque, de proposer des solutions et d’aller voir là où ça coince » annonce Stéphane Delorme dans son éditorial. En attendant un prochain numéro spécial ArcelorMittal, Les Cahiers rentrent dans le lard du Festival de Cannes, soulignant le refus de la Compétition de « mettre en avant les jeunes cinéastes » et l’absence de femmes cinéastes, exprimant son soulagement de voir Guillaume Canet « relégué » hors-compétition et son regret de ne pas voir Sorrentino suivre le même chemin. Classe internationale : ils vouvoient Arnaud Des Pallières, Mahamat-Saleh Haroun et Ari Folman, mais tutoient Léa Seydoux. Les veinards.

L’EXTRA NON-CANNOIS : De belles et longues pages consacrées au Festival d’Austin, le rendez-vous du cinéma américain vraiment indépendant (autant qu’on peut l’être), et des rencontres avec Richard Linklater, Jeff Nichols, David Gordon Green et Andrew Bujalski. Nous aussi nous avons rencontré ce dernier, on le rappelle, histoire de s’attirer un peu de l’aura des Cahiers.

 

Madame FigaroLE PLACEMENT PRODUIT : MADAME FIGARO (vendredi 10 et samedi 11 mai 2013)

Le feu de la Moore : beau titre, en plus réutilisable pour Demi, Roger et Michael (mot compte triple pour ce dernier, Fahrenheit 9/11 oblige). Julianne aurait-elle un film à l’affiche ou mieux, à Cannes ? Non, elle la « nouvelle égérie de L’Oréal » ce qui, en plus d’un passage supposé sur le tapis rouge, lui vaut un shooting en body et collants, en robe bustier et escarpins, ou en blazer sans rien dessous, par Jean-Baptiste Mondino. Julianne a 52 ans et elle s’en fiche, car elle « traite le temps avec dédain et désinvolture, d’un revers de la main ». « Dédain » et « Désinvolture » n’étant pas des noms de crèmes de jour de son partenaire beauté, nous sommes épatés. Plus encore par les pages mode inspirées de Gatsby, visiblement celui avec Robert Redford, compte-tenu de la lumière hamiltonienne qui baigne certains clichés. Mode toujours, les coiffures « très montée des marches », donc à proscrire pour descendre les poubelles, et les conseils beauté de l’incontournable Léa Seydoux : « Bien s’hydrater, c’est le secret ». Boire et envoyer tèje le temps : une belle leçon de vie.

L’EXTRA NON-CANNOIS : Un portrait de Taissa Farmiga, la petite sœur de Vera, à l’affiche de Bling Ring, et un portfolio consacré aux frères et sœurs de cinéma, qui partagent la même passion et le même sang, histoire de rappeler que le cinéma est une affaire de famille. Comme ça, on déteste tout le monde, les privilégiés et les « fils, filles, frères ou sœurs de ». Si vous laissez votre exemplaire des Cahiers à côté de Madame Figaro, il la déchire, on a testé.

 

ElleLE MALIN : ELLE (n° 3515, semaine du 10 mai 2013)

Le sacrilège ultime : en couverture, la garçonne Carey Mulligan plutôt que Léa Seydoux toutes dents dehors. L’Anglaise a autant de films que la Française à Cannes, et ils sont mêmes plus exposés médiatiquement (Gatsby en ouverture et Inside Llewyn Davis en compétition, contre La vie d’Adèle en compétition et Grand Central au Certain Regard). En plus, elle a toujours voulu être actrice, elle se sent très anglaise et… elle a adoré porter les robes Prada de son personnage Daisy, tout comme Léa adore le parfum Candy de Prada et pose son sac Prada sur la table du café où elle a rendez-vous avec le magazine Be. Placement produit ou simple rappel fashion, on s’en moque à la lecture d’une petite interview de Catherine Martin, décoratrice des films de son mari Baz Luhrmann, et d’une rencontre avec Sonam Kapoor, égérie L’Oréal Paris certes, mais surtout actrice indienne (choix opportun à l’occasion du centenaire du cinéma indien, fêté sur la Croisette), fille d’Anil Kapoor, et militante pour les droits de la femme dans son pays. A cela s’ajoutent un tour d’horizon des coiffures chics ayant fait l’histoire de la montée des marches, quelques pages consacrées à Sofia Coppola et ses actrices de Bling Ring, et une petite rencontre avec Thierry Frémaux pour lui demander si Cannes n’est pas sexiste. Après ça, même un homme a envie de porter une robe Prada (Miuccia Prada a en plus créé les costumes de Gatsby), d’utiliser de la laque L’Oréal et d’écraser les testicules des autres mâles avec des talons hauts.

L’EXTRA NON-CANNOIS : La marche, mode d’emploi. Vous croyiez que marcher, c’était mettre un pied devant l’autre ? Pauvre pomme ! C’est bien plus complexe. Qu’est-ce qu’une bonne marche (dans la rue, pas en randonnées, on n’est pas des bêtes) ? Comment s’habiller pour marcher ? Peut-on téléphoner en marchant ? Autant de questions dont les réponses vous mettront le cerveau au court-bouillon.

 

Ciné Télé ObsLE SERIEUX : CINE TELE OBS (supplément au n° 2531 du Nouvel Observateur, du samedi 11 au vendredi 17 mai 2013)

Francis Scott et Hollywood. Rien de plus, rien de moins. Un peu plus de deux pages résumant la vie de l’écrivain à Hollywood, « poids plume » parmi les nababs, au point d’y mourir d’un infarctus en 1940, dans une relative indifférence, l’homme n’étant devenu « ni plus ni mois qu’un scénariste de 44 ans sans emploi ». C’est pas la fête.

L’EXTRA NON-CANNOIS : Le Nouvel Observateur, avec les tentations despotiques de la présidente sud-coréenne, des étudiants français endettés, et la France malade de ses grandes écoles. C’est pas la fête. Surtout que Le Nouvel Obs considère Asghar Farhadi comme « un des grands cinéastes de notre temps » et nous rappelle que Liberace est mort officiellement d’emphysème, mais qu’il avait le Sida. C’est vraiment pas la fête.

 

GraziaLE NUDISTE : GRAZIA (n° 190, semaine du 10 au 16 mai 2013)

En mettant Jessica Chastain en couverture, Grazia prend deux gros risques. D’abord, celui d’être rebaptisé Gria, la tête de Jessica étant trop large : gros pari économique pour tenter de conquérir les parts de marché de la rôtisserie, au risque de s’aliéner les fidèles lectrices et les nombreux fans des lettres « a » et « z ». Ensuite, celui d’être dans la contradiction entre Chastain, qui n’a rien à Cannes, et la promesse en une des Gossips de la Croisette. Au moment d’envoyer son numéro aux imprimeurs, Grazia savait-il que l’actrice serait bien là pour le Festival, à l’occasion de la projection de Cléopatre de Mankiewicz, dans le cadre de Cannes Classics ? Vraisemblablement pas. Rien à voir avec la sortie de Mama, pour nous, cela relève donc de la préscience la plus épatante. Mais les gossips promis ? Là, c’est la galère : Scarlett Johansson serait nue dans un film qui ne serait pas terminé ou que Cannes aurait refusé, Michael Douglas serait « nu comme un vers [sic] » et « roulerait de vraies pelles à son amant à l’écran, Matt Damon », Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos seraient nues dans des scènes d’amour de La vie d’Adèle qui seraient « les plus féroces du Festival ». Cannes 2013 serait à poil.

L’EXTRA NON-CANNOIS : une page sur Muccia Prada qui habille le Gatsby de Luhrmann, pour les deux du fond qui n’auraient toujours pas compris, et une question, « Le succès flingue-t-il l’ambition ? », à laquelle Grazia répond par oui et par non. Débrouillez-vous avec ça.

 

NextLE RIGOLARD : NEXT (n°53, supplément de Libération du 11 mai 2013)

Les journalistes de Libération sont restés bloqués sur Céline Sallette depuis qu’ils ont fait son portrait le 2 décembre 2012. Pour la bonne cause, celle du rire. Peu importe que Céline ne fasse pas vraiment l’actualité (Prix Romy-Schneider tout de même, et un second rôle dans Un château en Italie à Cannes), avec elle, c’est barre de rire sur barre de rire (et direct, « elle ouvre la porte en tongs », c’est la folie). « Un après-midi de rire » nous promet Next et une vidéo en ligne que nos zygomatiques déjà trop sollicités nous empêchent de regarder. « Quand je suis sur un plateau de cinéma, j’ai deux ans et demi ! » balance Céline, ce qui devrait valoir à Bertrand Bonello de gros problèmes avec la justice pour lui avoir fait interpréter une prostituée dans ces conditions. Grosse marade aussi avec la rubrique personal shopper pour avoir l’air d’une palme d’or et sa minaudière McQueen à 1295 euros, avec Vincent Lacoste, héros de Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf, avec un article consacré aux directeurs de casting intitulé « Cast me if you Cannes », etc.

L’EXTRA NON-CANNOIS : Une enquête sur la disparition des bars à hôtesses à Pigalle.

 

Le chasseur de sanglierLE DECALE : LE CHASSEUR DE SANGLIER (n° 195, mai 2013)

Ils ont osé : pas de Léa Seydoux en couverture. Le magazine est coutumier de ce contrepied savamment cultivé au fil des années. Le chasseur de sanglier s’entête à ignorer le plus grand événement culturel médiatique du monde, vraisemblablement à cause d’une brouille survenue lors de la non-sélection de Babe en compétition. Tout le monde y perd.

L’EXTRA NON-CANNOIS : actualités cynophiles, calibres et munitions, célébration du 40ème anniversaire de l’IWA Outdoor Classics 2013, bandes dessinées et petites annonces, tout ce qui fait la richesse de cette publication depuis plus de 17 ans est là, mais ça manque de Léa Seydoux.

 

 

Le 66ème Festival de Cannes se déroule du 15 au 26 mai 2013.

Christophe Beney
Christophe Beney

Journapigiste et doctenseignant en ciné, passé par "Les Cinéma du Cahiers", "Palmarus", "Versès" et d'autres. Aurait aimé écrire : "Clear Eyes, Full Hearts, Can't Lose".

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