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Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas de contacter tous les distributeurs, les gros et les petits, et dis-leur qu’un sacré paquet de bons films vus ces trois dernières années en festivals méritent une sortie française. Voici la liste que nous t’adressons.
La liste de Christophe Beney
PLAY de Ruben Östlund
Attention : produit dangereux à manier avec précaution. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2011, Play s’inspire d’une série de faits divers qui pourrait donner du grain à moudre à n’importe quel xénophobe : entre 2006 et 2008, à Göteborg, un groupe de jeunes garçons issus de l’immigration se fait connaître en délestant de leurs affaires des têtes blondes, sans jamais recourir à la violence, juste par la parole et l’intimidation. Ruben Östlund reconstitue l’un de ces larcins avec une froideur esthétique ambiguë au possible, proche de la vidéosurveillance. Il laisse ainsi au spectateur le choix d’être du côté des victimes, qui par leur implication dans les « jeux » imposés n’en sont pas vraiment, ou des voleurs, qui par leur astuce rhétorique n’en sont pas vraiment non plus. Sa technique est simple : chaque plan-séquence a été tourné avec une caméra très haute définition, en grand ensemble, et ce n’est qu’en post-production que l’on s’est ensuite déplacé dans l’image obtenue, pour simuler des mouvements de caméra. Un procédé inauguré par Östlund sur Incident By A Bank, son court-métrage lauréat de l’Ours d’Or à Berlin en 2009, visible ici à partir de la 7ème minute environ.
VAMPIRE de Shunji Iwai
Certains critiques ou spectateurs émettent parfois une belle hypothèse : et si Gus Van Sant avait réalisé Twilight ? Et si ses adolescents gracieux avaient croisé la route de vampires accrocs à la folle jeunesse ? Ce rêve s’est réalisé, grâce à Shunji Iwai, japonais parti tourner au Canada, avec un casting américain, dont les starlettes teen Kristin Kreuk et Rachael Leigh Cook dans des seconds rôles. Il s’appelle Vampire et se déroule très concrètement entre ciel et terre, avec une Amanda Plummer suspendue à des ballons, et un héros buveur de sang, dont on ne sait jamais s’il est vraiment un descendant de Nosferatu. Musique, montage, direction de la photo, scénario : Shunji Iwai a tout fait sur ce film éblouissant, l’un des premiers longs enregistrés au Canon 5D Mark II, avec La casa muda de Gustavo Hernandez, Rubber de Quentin Dupieux et Road To Nowhere de Monte Hellman. Sélectionné à Strasbourg en 2011, où il reçut une mention spéciale, Vampire n’est sorti qu’au Japon, le 12 septembre 2012. Il y aura bien un DVD un jour, mais quel gâchis de ne pas découvrir cette merveille sur grand écran…
L de Babis Makridis
Il existe une idée selon laquelle plus un pays est en crise, plus son cinéma s’épanouit, artistiquement mais pas financièrement. La légende veut que L, premier long-métrage de Babis Makridis, soit sorti en Grèce un jour férié, pour rester si peu de temps à l’affiche que même les amis du réalisateur n’ont pas été au courant de l’événement. L mérite pourtant d’être vu. Ne pas se fier à l’absurdité et à l’humour froid des premières minutes. Nous ne sommes pas dans un monde déréglé, c’est même tout le contraire : si un type reste allongé dans l’herbe plutôt que d’aller saluer un autre, ou si le héros vit dans sa voiture, c’est bien parce qu’ici chaque individu se définit par son moyen de transport et que tout le monde a oublié comment on pouvait bien marcher. L raconte ainsi le déclassement social d’un protagoniste passant de sa caisse à une moto, apprenant à vivre en groupe comme les lions de la savane, afin de ne pas tomber plus bas, c’est-à-dire sur ses pieds. Seuls les spectateurs du Festival de Bordeaux 2012 ont jusqu’à présent eu la chance de voir ce film étonnant, sélectionné la même année à Rotterdam.
La liste d’Hendy Bicaise
THEATRE de Kazuhiro Soda
Kazuhiro Soda avait frappé un grand coup avec Campaign, documentaire sur les coulisses d’une élection municipale présenté à Berlin et aux Trois Continents en 2007. Soda est de retour à Nantes en 2012 avec Theatre 1 & 2, docu de près de 6 heures sur le 6ème art. Articulé autour des méthodes singulières du metteur en scène Oriza Hirata, le premier volet observe patiemment le processus créatif quand le second décortique les rouages administratifs, techniques et politiques du milieu. L’ensemble est passionnant, et certainement pas plombant. Pour preuve, le film est reparti des Trois Continents avec un Prix que peu auraient escompté : celui du jury des lycéens. Reste donc à espérer le voir sortir en salles, avec de nombreuses de séances scolaires en perspective. Une aubaine pour les élèves qui, grâce à une seule projection, manqueraient une journée entière de cours.
DEATH ROW de Werner Herzog
Comme Theatre, le seul hic quant à l’éventuelle distribution en salles de Death Row réside dans son imposante structure. Après les 2 x 170 minutes du film de Kazuhiro Soda, le documentaire de Werner Herzog est découpé en 4 x 45 minutes. A l’origine, il s’agissait de 5 épisodes, tournés pour Channel 4 (GB). Chaque film propose une nouvelle rencontre avec un condamné à mort. L’un d’eux, étiré, est devenu Into the abyss, qui a bénéficié d’une sortie salles française en octobre dernier sur 6 copies. Les 4 volets de Death Row lui sont supérieurs. Herzog laisse plus volontiers hors-champ la description de l’enquête judiciaire et impressionne constamment par sa finesse de jugement et son discernement. Avec Death Row, Herzog ne s’éparpille pas. Les quatre entretiens n’explorent que deux interrogations, intimement liées : comment vit-on avec la mort en ligne de mire ? Comment vit-on quand le temps n’a plus aucun sens ?
THREE SISTERS de Wang Bing
Encore un documentaire, d’un auteur apprécié par la critique, souvent salué en festivals : Three Sisters de Wang Bing (lire notre critique). Un voyage en immersion, en compagnie de trois jeunes soeurs, esseulées dans les montagnes du Yunnan. Plus court qu’A l’ouest des rails (9 heures), que Fengming – chronique d’une femme chinoise (3 heures), celui-ci ne dépasse pas même 150 minutes. Sa durée, moins intimidante, pourrait inciter les distributeurs les plus frileux à se lancer dans l’aventure. Un atout plus fort encore, toutefois, est son Prix du public obtenu aux Trois Continents (merci et bravo, amis nantais), le tout premier de la carrière de Wang Bing. Une distinction marquante qui s’ajoute à d’autres récompenses plus convenues : la Montgolfière d’or dans ce même festival et, quelques semaines plus tôt, le Prix Orizzonti à Venise. Capricci Films, distributeur du Fossé et de Fengming, semble tout indiqué pour sortir Three Sisters. Mais, à ce jour, rien d’officiel.
La liste de Camille Brunel
THE GREAT CINEMA PARTY de Raya Martin
Le dernier film de Raya Martin à avoir été distribué en France, Independencia, remonte à 2009. Depuis, le jeune réalisateur philippin s’est laissé filmer au gré des festivals, des rencontres, des fêtes et des histoires des autres. Qu’il regarde, écoute et absorbe avant de les coucher sur pellicule, l’esprit de sérieux de ceux qui racontaient en moins. Pas facile à distribuer tant ce qui est proposé respire la liberté, comme toujours, et l’indépendance : muet sur ses 20 premières minutes, aveugles sur ses 20 dernières (un concert sur une plage philippine dans la nuit noire, s’achevant sur un feu d’artifice venant percer l’écran noir), The Great Cinema Party (lire notre compte-rendu de Jeonju 2012, Locarno) convie le spectateur à une fête traversée par des couples pudiques et maudits, tandis que s’entremêlent, sur le noir et blanc numérique de sa caméra discrète, désastres historiques, jours de soleil et chagrins d’amour.
ARMAND 15 ANS L’ÉTÉ de Blaise Harrison
Armand 15 ans l’été dresse le portrait d’un adolescent en vacances. Tranquillité provinciale entre documentaire et fiction, impressions, indolence et ennui pavillonnaire bercé par Lady Gaga ou G.T.A. Armand a été montré à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011; le film faisait également partie de la collection « Les Gars Les Filles » et a bénéficié de deux diffusions sur Arte. Trop discret. Armand pourrait trouver sa place avec un double programme et un peu d’imagination. A l’écart du cinéma français actuel, travaillé par un imaginaire plus lointain – à la fois plus américain et moins strictement cinéphile – il mériterait un coup d’œil en salles.
La liste d’Anna Marmiesse
CONTACT et CHRISTINE d’Alan Clarke
Père Noël, cette année je voudrais que soient édités en DVD deux films d’Alan Clarke présentés en janvier 2012 au festival Premiers Plans d’Angers : Contact et Christine, qui ne figurent pas sur le coffret sorti fin 2011. Le quotidien d’une troupe de soldats britanniques en Irlande du Nord d’un côté, celui d’une junkie de treize ans de l’autre, quoi de mieux pour les fêtes ? À Angers, on avait pu voir Christine dans une copie très abîmée et sans sous-titre, j’aimerais donc beaucoup revoir les travellings obsessionnels du cinéaste suivant, de dos, son héroïne paumée, dans une belle version sur le home cinema que tu vas également m’offrir.
OUR HOMELAND de Yang Yonghi
Et si tu penses, Père Noël, que j’ai vraiment été très sage, suggère à un distributeur français de sortir le beau Our Homeland de Yang Yonghi, coup de cœur du jury web à Paris Cinéma, un premier film d’inspiration autobiographique, délicat et par endroits bouleversant. Il se penche sur le destin, très méconnu, des Japonais émigrés en Corée du Nord et n’ayant jamais pu rentrer dans leur pays natal. Le personnage principal du film, atteint d’un cancer incurable, est autorisé à retrouver sa famille au Japon, mais pour très peu de temps et sous étroite surveillance… La réalisatrice fait preuve d’une retenue qui sied parfaitement à ce sujet qu’elle connait intimement.
La liste d’Alexandre Mathis
CITADEL de Ciaran Foy
Citadel, en compétition au PIFFF 2012, serait-il vraiment un cadeau de Noël ? S’il en est un, alors je suis sacrément maso. Mais se faire du mal n’est-il pas le propre du cinéphile. Avec ce film de Ciaran Foy, un jeune père voit sa femme mourir sous ses yeux après qu’elle fut passée à tabac par des jeunes du quartier. Mi-film social mi-film de zombie, Citadel explore les pires peurs d’un être humain : la crainte d’autrui, l’impossibilité de s’assumer père, l’abandon de toute forme de bonté dans la vie. Catharsis contre l’agoraphobie, c’est le vrai moment glaçant de cette année. Quand bien des films de genre se contentent d’horrifier au premier degré, Foy fait le choix du malaise intérieur, instillant la folie et le manque de discernement en chacun de nous. Alors pour le plaisir de souffrir et de vivre en version intensifiée ses pires cauchemars, petit Papa Noël, quand tu descendras du renne, n’oublie pas mes petits souliers. Sors Citadel en France, je te laisserai un peu de thé.
La liste de Nathan Reneaud
LES DISPARUS (REPORTED MISSING) de Jan Speckenbach
Un père part à la recherche de sa fille et se retrouve à son tour porté disparu. Où est-il ? Fait-il partie encore du monde des vivants ? Quand la rédaction d’Accréds le découvre à la Berlinale, le remarquable premier film de Jan Speckenbach a deux titres : Reported Missing et Die Vermissten. Depuis sa sélection au dernier Festival du Cinéma Allemand (10-16 octobre 2012), on parle des Disparus. Une traduction littérale du titre original. Est-ce à dire que le film va être distribué ? Rien n’est annoncé pour le moment. On le souhaite tant cette variation de la légende du joueur de flûte de Hamelin ou « Rattenfänger » – une source d’inspiration pour De beaux lendemains d’Egoyan – reste l’un des plus beaux moments de cinéma fantastique vus cette année. Avis aux producteurs : il y a une très belle promo à faire avec l’énigmatique rat ailé du film : à la fois identité visuelle d’une communauté, retour à la célèbre légende et symbole d’une migration adolescente, d’une jeunesse qui a décidé de ne plus être de ce monde. Le seul défaut majeur des Disparus est de n’avoir pas été assez visible.
O SOM AO REDOR (NEIGHBOURING SOUNDS) de Kleber Mendonça Filho
Une révélation. Un exemple imposant de la verticalité à l’œuvre dans l’ensemble des programmations des 3 Continents de Nantes ; le motif est d’autant plus incontournable qu’on sait le festival spécialisé dans les cinémas du…Sud. Chez Fi
lho, la verticalité est double. Elle est au dehors, dans la pierre, dans l’architecture d’un Recife filmé en Cinémascope, comme un western, « comme Carpenter qui ferait du soap opera » a même déclaré Filho (lire notre entretien). Il aime l’un et déteste l’autre. Pour sa première fiction, le cinéaste brésilien resté dans sa maison, dans son quartier, dans sa rue. La meilleure position possible et la plus honnête pour regarder l’enclos d’une classe moyenne qui ne touche pas terre, s’enferme dans une bulle, regarde d’en haut. Qui regarde-t-elle d’en haut ? Les pauvres, les domestiques et leurs ancêtres les esclaves. Grand film d’architecture et de textures sonores, O Som Ao Redor vaut aussi pour son propos politique. La féodalité des temps anciens n’a pas disparu. Les seigneurs sont juste devenus plus urbains.
LA MALADIE DU SOMMEIL d’Ulrich Köhler
En ce moment avec le cinéma allemand, c’est l’histoire du verre à moitié vide et à moitié plein. Trois exemples : Le Braqueur de Benjamin Heisenberg, L’amour et rien d’autre de Jam Schambourg et La maladie du sommeil, autant de films qui se frottent à des monstres de cinéma, en proposent des versions plus petites, plus sèches, « pour les nuls », plus « mineures », plus pures. Comme s’ils avaient été tous réalisés par Emmanuel Kant. On enlève le gras, on dépiaute, on garde le maigre : Le Braqueur invente le film d’action pur/e. Une réussite. On refait Sous le sable qui refait Vertigo : L’amour et rien d’autre, séduisant sur le principe puis vain à la longue. En compétition à Berlin et à la Roche-sur-Yon en 2011, La maladie du sommeil (lire notre critique) est l’objet le plus envoûtant puisqu’il tente le mariage de deux grands films de jungle : Apocalypse Now et Tropical Malady. Un médecin allemand installé au Cameroun renonce à rentrer au pays pour mettre en place un programme pour lutter contre la maladie du sommeil. Faux prétexte. Voyons le verre à moitié plein. La désertion qui intéresse tant Köhler – celle des lieux, des affects (mais le fait-il exprès ?), la recherche d’anonymat (et l’anonymat du nouveau cinéma allemand, cette impression que tous les films de la mouvance berlinoise se ressemblent en voulant ressembler à du Antonioni), tout cela trouve sa juste place dans l’Afrique de La maladie du sommeil. Si un distributeur daigne jeter son dévolu sur le film de Köhler, les spectateurs pourront découvrir un nouveau colonel Kurtz et un Cameroun qui rappelle la Thaïlande animiste de Weerasethakul. Magique.
PS : Accréds vous souhaite un joyeux Noël 😉