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Un voyage envoûtant à la rencontre de Apocalypse Now et Tropical Malady. Le risque quand on s’aventure dans la jungle du meilleur cinéma, c’est de se faire bouffer.
Le cinéma d’Ulrich Köhler est probablement ce que la « nouvelle nouvelle vague allemande » a produit de moins passionnant. Jusqu’à aujourd’hui. La maladie du sommeil pourrait bien changer la donne. Tant mieux s’il ne doit plus rien à la mouvance berlinoise, tellement anonyme parfois qu’elle finit par faire le jeu de ce qu’elle dénonce : perte d’identité, globalisation, désertion des affects.
Les personnages de Köhler sont des déserteurs. Le jeune militaire de Bungalow profite d’un arrêt dans une station-service pour fuir son régiment. La mère de Montag abandonne son foyer pour se perdre dans un hôtel aussi inoccupé et labyrinthique que l’Overlook de Shining. Quand démarre La maladie du sommeil, le mal est fait en quelque sorte. Le médecin Ebbo Velten a pris la tangente, depuis des années. Ce qui est nouveau c’est que Köhler lui offre le Cameroun de son enfance, un ailleurs plus lointain, plus vaste et bien plus envoûtant que les lieux impersonnels de ses premiers films. Quitte à se sentir étranger, autant l’être chez les autres. L’altérité de Yaoundé, sa suprême étrangeté, réussit mieux à Köhler. Personne n’est vraiment chez soi. L’homme blanc occupe. L’homme noir est occupé. Ebbo et sa femme ne parlent pas leur langue maternelle mais le français. Dans la première partie, le couple se prépare à retourner en Allemagne. Leur fille les y attend. Prétextant la mise en place d’un programme pour lutter contre la maladie du sommeil, Ebbo reste et finit par fonder une autre famille, pour ne pas dire une communauté toute entière. Trois ans plus tard, il est rejoint par Alex, un jeune médecin chargé d’évaluer le bien-fondé de son projet. La deuxième partie de La maladie du sommeil vient de commencer.
En passant de l’Europe à l’Afrique, en s’enfonçant dans la jungle, Köhler fait peau neuve mais il est aussi tombé sur deux monstres de cinéma. La maladie du sommeil se souvient très fort d’Apocalypse Now. Ebbo Velten est son colonel Kurtz. Alex, son capitaine Willard. Le fait de suivre le cheminement d’Ebbo apporte même une petite plus-value. Dans le remake clandestin, non avoué, se cacherait aussi une préquelle : Apocalypse Now : les origines ou comment Ebbo-Kurtz est devenu l’homme qu’il est. Ensuite, il y a le titre. Au début, pas la peine d’y penser. Notre cinéphilie nous joue des tours, croit-on. Non, La maladie du sommeil ne fait pas écho à Tropical Malady. Et en fait, si. Le rapprochement ne tient pas seulement au fait que le film est scindé en deux. Il s’y passe quelque chose d’extraordinaire, qui nous replonge dans le plus beau Weerasethakul.
L’idée de faire se rencontrer de tels monuments de cinéma n’est pas dénuée de charme. Le problème, c’est que La maladie du sommeil est bien peu de choses à côté. Une version light tout au plus, un Apocalypse Now pour les nuls. Köhler s’aventure sur un terrain où il n’est pas de taille à rivaliser. Il est simplement de passage. C’est un visiteur, pas le maître des lieux. Soyons quand même reconnaissants : le voyage est sublime.
LA MALADIE DU SOMMEIL (DIE SCHLAFKRANHEIT – Allemagne, 2011), un film d’Ulrich Köhler, avec Pierre Bokma, Jean-Christophe Folly, Jenny Schily, Hippolyte Girardot. Durée : 91 min . Sortie en France non déterminée.