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De petites frappes braquent un tripot clandestin et deviennent les cibles d’un tueur embauché par la mafia : Cogan, la mort en douce, est un mélange insipide d’emprunts aux frères Coen, à Scorsese et Tarantino, par un réalisateur qui ne sait pas de quoi il parle.
Andrew Dominik a ses marottes et il en change à chaque film. Le réalisateur a d’abord payé son obole à Tony Scott avec Chopper, appliquant filtres colorés et découpage cut-cut au parcours criminel de son héros ultraviolent, puis à Terrence Malick dans son élégiaque Assassinat de Jesse James, surévalué à nos yeux. Il n’est pas le seul à faire cela. Fut un temps où Roland Emmerich singeait Spielberg, pendant que Michael Bay, lui, se cherchait, faisant du James Cameron avec Pearl Harbor, du George Lucas avec The Island, du Spielberg – lui aussi – avec Transformers (on en est encore là pour le moment, le maître étant devenu le producteur de l’élève). Ce n’est en rien dégradant, surtout quand l’inspiration se fait formaliste et maniériste. Encore faut-il comprendre son modèle. De ce point de vue, Andrew Dominik est un inculte.
Cogan, la morte en douce emprunte aux frères Coen, à Scorsese, à Tarantino. Ce que Dominik retient de ces référents en dit long sur ses limites d’esthète. Aux Coen, il prend leurs personnages débiles, losers crasseux ou junkies feignants. A Scorsese, son acteur principal des Affranchis, Ray Liotta. A Tarantino, son goût pour les conversations. Avec ce dernier, nous sommes face à un cas d’école. Dominik semble ne garder du cinéma de Tarantino que la base absurde de ces discussions (des tergiversations autour du Big Cahuna Burger dans Pulp Fiction, un échange entre un conducteur et son passager autour d’un tolard surnommé « cul de chèvre » dans Cogan) et leur étirement à l’extrême. Tarantino, ce ne serait donc que ça aux yeux de Dominik le béotien : deux mecs qui parlent de tout et de rien à bord d’une bagnole. Le découpage visuel ? Le recours aux objets pour dynamiser le regard du spectateur (la pipe bavaroise de Christoph Waltz ou les cartes à jouer collées sur les fronts dans Inglourious Basterds) ? La musicalité de la parole ? Dominik croit voir, mais n’a rien vu. Comme Emmanuelle Riva avec Hiroshima dans le film d’Alain Resnais. Il n’a pas compris, il n’a gardé qu’une vision superficielle des films.
Le formalisme ou le maniérisme ne valent que quand leurs instigateurs évitent de s’en tenir à une approche superficielle de leurs modèles. On pourra arguer du fait que Cogan ne se limite pas à un exercice de style. Cela ne rend pourtant par service au film de s’intéresser à sa posture idéologique. L’histoire débute à la fin de la dernière campagne présidentielle américaine, et s’achève dans un troquet, avec Brad Pitt (c’est lui le fameux Cogan) en commentateur cynique de l’élection toute fraîche d’Obama en 2008. Enfin Cogan se présente pour ce qu’il est : l’œuvre d’un réalisateur qui se croit malin simplement parce qu’il est rabat-joie, alors qu’il distille une philosophie de comptoir et ne fait que gâcher la fête. Cet aveu est son seul mérite.
COGAN, LA MORT EN DOUCE (Killing Them Softly, Etats-Unis, 2012), un film d’Andrew Dominik, avec Brad Pitt, Scoot McNairy, Ben Mendelsohn, Richard Jenkins, James Gandolfini, Ray Liotta et Sam Shepard. Durée : 98 min. Sortie en France le 17 octobre 2012.