Le 1er Festival International du Film Indépendant de Bordeaux a eu le bon goût de consacrer un focus à Jonathan Caouette, découvert à Cannes en 2004 avec Tarnation, hallucinant home movie expérimental dans lequel il racontait sa vie chaotique et celle de sa mère, atteinte de maladie mentale. Trop jeunes à l’époque, nos Accrédités ont découvert son oeuvre et rencontré le cinéaste. Retour sur ses longs-métrages autobiographiques, vus d’aujourd’hui, et rencontre en vidéo avec un artiste qui, enfant, dessinait sur des centaines de feuilles les films qu’il venait de voir au cinéma.

 

TARNATION (2003)

Puissant, c’est le premier mot qui vient à l’esprit en visionnant Tarnation qui prend aux tripes dès ses premières minutes. Jonathan Caouette enfonce le spectateur dans les tréfonds de son enfance névrosée.

Les images de Renée, la mère du réalisateur, rendue psychotique par les électrochocs à répétition, sont d’autant plus perturbantes qu’elles sont vraies. Impossible de rester distant : chaque personnage est réel, existe, et tous les événements ont été vécus par Jonathan Caouette. C’est lui qui décide de raconter son enfance désaxée et de remonter aux origines de la folie de sa mère en dressant le portrait de sa famille Texane déséquilibrée. Et il ne cache rien. Les images d’un Jonathan alors âgé de 11 ans se travestissant devant sa caméra ne sont qu’un exemple parmi d’autres. L’ensemble repose sur un travail d’archive qui découvre en parallèle la naissance de la névrose du personnage et celle qui ronge depuis longtemps sa famille.

Avec un tel sujet, Tarnation pourrait n’être que tristesse et dépression : ce n’est pas le cas. Il montre comment, grâce à l’amour de son nouvel entourage et celui qu’il éprouve pour sa mère,  Jonathan  réussi à s’en sortir et devient ce qu’il est aujourd’hui. Il devient difficile de croire que cet homme qui fait tout pour s’occuper de sa mère fut un jour l’enfant schizophrène qui se mettait en scène devant sa caméra.

En ayant travaillé sur ce film sans le savoir pendant près de 30 ans, Jonathan Caouette témoigne sincèrement des plus sombres comme des plus belles années de sa vie. Cette sincérité fait toute la beauté de son œuvre.

Jean Briot

 

WALK AWAY RENEE (2011)

Difficile de n’éprouver aucunes émotions devant Walk Away Renée. Toujours basée sur des vidéos personnelles, cette suite de Tarnation n’est plus « l’histoire de Jonathan » faite par Jonathan, mais « l’histoire de Renée Leblanc» par son fils.

Jonathan ramène sa mère chez lui. Au cours de ce road trip de Houston à New York, il récapitule les moments passés avec elle. De son enfance à aujourd’hui, Caouette retrace leurs vies respectives, étroitement liées par la maladie. Dès le début, le cinéaste fait comprendre au spectateur qu’il mène un combat : lorsque le titre apparaît à l’écran, les premières lettres de chaque mot, en rouge, forment le mot « war ». Beaucoup moins dans l’angoisse que Tarnation, Walk Away Renée est plus émouvant, grâce à ses musiques nostalgiques et aux rires de Renée. Bien qu’elle apparaisse parfois dans certains états psychotiques, la mère du cinéaste nous touche profondément par ses accès de naïveté causés par la maladie. Nous faisons souvent face à une petite fille de 58 ans qui rigole à n’en plus finir à la vue de citrouilles, ou fugue pour aller se balader à Miami. Impensable alors de n’éprouver aucune sympathie pour cette femme.

Florent Augizeau

 

Jonathan Caouette parle de ses premières expériences de cinéma, de ses premières caméras, des influences cinématographiques de sa jeunesse, et raconte l’incroyable piratage artistique auquel il se livrait enfant, lorsqu’il dessinait sur des centaines de feuilles le film qu’il venait de voir, à partir de l’enregistrement sonore qu’il en avait fait. Une vidéo en VO, certes, mais façon « Des clips et des bulles ».

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Captation, montage vidéo et photo de une : Florent Augizeau