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Les yeux rivés à l’écran et l’accréd autour du cou, un regard unique sur un festival atypique…
Le soir du vendredi 14 octobre dernier, et pendant les deux journées qui suivirent, vous aussi pouviez partir de Paris par le RER A, direction Boissy Saint Léger, descendre au Parc Saint Maur, descendre l’avenue de la République à pied et entrer au cinéma Le Lido – comme à Venise, oui. S’y tenait la 9e édition d’un festival de courts-métrages organisé par la commune, dont l’une des particularités tient à la gratuité des projections : vous pouviez prendre place à la séance de votre choix et rencontrer, pourquoi pas, Tony Gatlif (Gadjo Dilo, Exils…), parrain du festival, Ariel Zeitoun (Yamakasi, Le Dernier Gang), président du jury, ou encore l’un des sept autres membres de ce jury parmi lesquels Fabien Dubois, jeune réalisateur lauréat du Grand Prix 2010. Porté par le hasard plus que par la programmation – seul guide possible dans un festival où la plupart des noms sont inconnus et où chaque séance propose plus de cinq films – vous vous seriez frayé un chemin à travers les 52 films projetés, au milieu de quelque 4000 autres spectateurs. Porté par un flair hors du commun, vous seriez parvenus à voir tous les films voués à recevoir l’une des quatorze récompenses remises le dimanche soir.
Quatorze récompenses parmi lesquelles des prix, mais aussi des récompenses techniques qui donnent à ce festival orienté vers le tout début de la chaîne alimentaire cinématographique des airs de cérémonie des Césars : meilleure image, meilleur son, meilleur montage, meilleure musique, meilleur scénario, meilleure animation, et un prix pour le ou la meilleure comédienne – mixité bienvenue. Preuve d’une véritable exigence là où l’on aurait pu s’attendre à une certaine indulgence de la part d’un festival tourné vers les films qui viennent tout juste de passer le pas du professionnalisme. Souvent, les courts-métrages pêchent tantôt par leur scénario-gadget et leur musique, composée par des musiciens du dimanche. Dans ce petit cinéma au nom prestigieux, on récompense les courts-métrages comme des longs, et comme s’ils avaient coûté cent fois leur prix. Belle manière de mettre en lumière des cinéastes que l’on attend de retrouver en festival avant de les voir entrer dans le monde de la grande distribution.
On est tantôt dans l’embryon de court-métrage français, tantôt dans le clip, tantôt dans la pub, tantôt dans la minisérie. Le point de chute est évidemment, encore et toujours, les Etats-Unis. Le plus souvent, il s’agit de trouver un truc et de le faire tourner sur une dizaine de minutes. A peu de choses près, on serait tenté de juger la qualité du truc plus que la qualité de l’exécution. Ils ne vont pas toujours de pair. Cependant, les films primés, bien souvent, allient un bon truc à une bonne exécution.
Saint Maur est le tremplin avant les tremplins, le premier festival de bien des réalisateurs. Aussi son prix le plus caractéristique est-il le Prix coup de pouce. Il est remis cette année à Au revoir Bonaventure, de Raphaël RIVIERE. Film suisse. Un homme et une femme veulent se suicider sur des rails au milieu de la neige. Comment composer avec le plus petit budget possible ? Pas de décors, pas d’acteurs, pas de trucages. Beckett Beckett ? Evidemment. On parle de la mort. Mais il ne s’agit pas de juger de la réussite du film. Seulement de sa cohérence, de sa tenue. Les changements d’angles tiennent de l’exercice de style : un réalisateur affirmé n’aurait pas hésité à filmer tout ça en plan séquence, depuis le seul angle zénithal qui est le seul à vraiment marquer, visuellement, les rails dessinant derrière les personnages une sorte de portée en cinémascope sur laquelle ils viennent s’inscrire. On récompense ici la foi avec laquelle le film se donne comme le seul possible, donnant l’impression qu’il aurait été tourné pareil, même avec un budget illimité. Les bons courts-métrages, les bons films de débutants, sont ceux qui atteignent cette sorte de suspension of disbelief : je ne suis pas en train de regarder un film fauché, un film de débutant, mais un film complet, abouti. Le paradoxe étant que finalement, si le film avait été plus abouti et plus riche, il aurait contenu moins d’effets. Chaque retour à la simplicité, du coup, est un pas en avant vers cette suspension of disbelief.
Le Prix du public, attribué lors de la séance du samedi soir, revient à Il faut qu’on parle, de Raphaël KINSEY. Attention star : voici Jérôme Commandeur, dans un frère jumeau de Bref, la série de Canal+. Un truc sur les trentenaires, fans de Fight Club et cherchant à dresser leur autoportrait, tout en relations sans engagement et en sms filmés. C’est de la télé, c’est une petite série. Ça pulse convenablement. Le prix du Lido revient quant à lui à Little Man, d’Andrew et Rémy NEYMARC. Malin. Celui-là est un clip, mais joue à la bande-annonce. Les hommes verts de la signalétique piétonne se libèrent et s’enfuient, observés par des Texas Rangers incrédules. Un peu de blues, une animation fluide et assez originale, et l’affaire est dans le sac.
Un film parvient à glaner deux récompenses techniques, meilleure musique, meilleure image : il s’agit de Miscellanées, d’Anne-Lise KING. Film d’animation champêtre. Donner une vie imaginaire à la nature. Stop-motion. Beaucoup de films d’animation dans ce festival. Le meilleur son est remis à L’Herboriste, visible sur Dailymotion, qui se présente comme un exercice de maquillage : celui de la 3D en 2D. Le résultat n’est pas sans originalité et les auteurs parviennent à trouver leur petit lopin de terre visuelle.
Restent les grands vainqueurs, Pyskessa, de Kirran et Duncan BRUCE, qui remporte le Grand Prix, mais aussi le prix de la meilleure actrice, pour Zoë TURNER. Le Prix du Jury revient au lauréat du meilleur montage : Alfred (or the story of a wonderfish), de Mathieu RIGOT, Aaron HOBSON, Jean-Charles LEHUBY. Ceux-là bénéficieront tout au long de l’année du soutien du festival pour leur présentation à Cannes, Mons et Rimini, sans compter le suivi technique qui sera apporté par Saint Maur pour la réalisation des projets à venir de leurs réalisateurs.
Mini-Césars, mini-Venise, mini-Annecy, Saint Maur des Fossés s’impose comme un mini-festival, avec ses mini-films, ses mini-auteurs et ses mini-réussites. Le début parfait pour tout mini-ambitieux qui se respecte. En 2012, Saint Maur fêtera ses 10 ans… En mini pompes ? Ce sera son charme.
Le Festival du court-métrage « Sur les pas de mon oncle » s’est déroulé du 14 au 16 octobre 2011 à Saint-Maur-des-Fossés.