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Premier film d’un cinéaste philippin (Daniel Palacio) fortement influencé par son producteur (Brillante Mendoza), Pailalim prend place dans un cadre improbable : un cimetière de Pasig (ville proche de Manille) où s’est installée une communauté qui y trouve de quoi survivre au jour le jour. La réussite du film se mesure à sa capacité à ne pas se contenter d’observer passivement ce lieu, mais de le raconter en créant du cinéma.
Palacio compose dans ce cimetière une variante du récent Ma’Rosa de Mendoza. Même style (caméra à l’épaule et format numérique permettant de capter une belle lumière nocturne), même sujet d’ensemble (la misère urbaine aux Philippines), et même fil directeur – l’argent, sans quoi rien n’est possible et qui est pourtant si compliqué à se procurer. L’héroïne de Ma’Rosa et sa famille pratiquaient le trafic de stupéfiants pour joindre les deux bouts ; le héros de Pailalim et ses proches pillent des cercueils après avoir aidé à les mettre en caveaux. Il faut dire qu’ils sont aux premières loges pour réaliser l’une et l’autre activité ; n’ayant nulle part ailleurs où vivre, ils se sont constitués des demeures de fortune dans les mausolées des familles les plus fortunées. Les pierres tombales leur servent de lits, les barreaux en fer forgé de murs.
L’introduction du film, où l’on suit Bangis à travers le cimetière, révèle avec talent l’ambivalence cynique de la situation dans laquelle lui et ses semblables sont maintenus. Ils sont à la fois de fait les employés à demeure du cimetière (ce sont eux qui le font tourner), et persona non grata – des milices viennent à intervalles réguliers les expulser brutalement des lieux… dont le gardien officiel leur rouvre l’accès moyennant un pot-de-vin pour chaque tête. Ce n’est là que l’une des manifestations de l’état dans lequel ils sont maintenus, de survie, expressément entre la vie et la mort. Les défunts n’ayant besoin ni d’eau courante ni de latrines, ils n’en ont pas non plus ; et plus généralement leur groupe n’a le droit qu’à ce qu’il peut produire ou trouver par lui-même (incluant une prostituée recevant dans un des mausolées transformé en lieu de passe), dans une autarcie forcée.
De ce fonctionnement sont donc clairement exclus l’argent, et les soins médicaux, deux choses qui vont autant de pair dans les Philippines qu’ailleurs dans le monde. Quand la fille de Bangis tombe malade, et que la seule solution devient de l’emmener à l’hôpital où tout se monnaie cher (comme au poste de police de Ma’Rosa), ses parents n’ont donc plus d’autre choix que de dévaliser et revendre cette fois le contenu entier d’un cercueil – les richesses que l’on y trouve, et le cadavre en prime. Cela donne à Pailalim sa pièce de résistance : une longue séquence nocturne au découpage et au rythme remarquables, où une fois le monde des vivants endormis les trois protagonistes convoient à travers les allées et les toits du cimetière un mort. Scellant là, définitivement et malgré eux, leur pacte avec un camp plutôt que l’autre.
PAILALIM (Philippines, 2017), un film de Daniel Palacio, avec Joem Bascon, Mara Lopez, Ryan Sandoval. Durée : 84 minutes. Sortie en France indéterminée.