FEAR ITSELF : bricolage solitaire ou puzzle pour tous ?

Fear Itself est un bric-à-brac, un travail d’orfèvre, un immense collage, mettant bout à bout des extraits de plus de 80 films d’horreur, de suspense et de genre. Il s’interroge avec subtilité sur la peur en elle-même, la peur à l’état pur. Une création unique et troublante.

Sortant des ténèbres du web auquel il est destiné, Fear Itself se révèle sur grand écran, en petit bijou de créativité, à mi-chemin entre documentaire et fiction. Son réalisateur, Charlie Lyne, tisse pendant 88 minutes un portrait foncièrement psychologique de l’humanité et de ses tabous : désirs, obsessions, angoisses et réactions primaires, tous rassemblés autour d’un thème phare, la peur. Fear Itself est un électron libre, qui se penche sur la conscience et l’inconscient de l’Homme, ainsi que sur l’omniprésence de la terreur, cachée dans chaque recoin de notre quotidien.

La part de fiction de Fear Itself est amenée par une voix off envoûtante qui nous parle de son rapport à la peur et de son appréhension du monde. Bien plus qu’une instance narratrice, la voix d’Amy E. Watson est le véritable personnage du film, qui nous guide à travers ces images extraites de films du monde entier et de toutes les époques. Choisie avec subtilité et pertinence, chaque séquence trouve sa place, ne glissant jamais dans le criard et la profusion gratuite d’hémoglobine. A travers l’accumulation d’artifices (faux sang, maquillages et masques), Charlie Lyne veut illustrer la réalité et y parvient avec brio.

La voix et les images s’imbriquent parfaitement et constituent un ensemble rythmé, subtil et esquissé avec élégance. L’harmonie de Fear Itself provient aussi des couleurs basculant du chaud au froid sans effort, liées entre elles dans un puzzle parfaitement maîtrisé. Le spectateur se trouve pris dans un suspens permanent, le souffle court, fasciné par ce qui se passe à l’écran.

Le film de Charlie Lyne est un véritable hommage au cinéma en tant que reflet de l’humanité et outil pour comprendre le monde qui nous entoure. Il ne donne jamais de réponse, mais veut plutôt donner matière à penser, provoquer une réflexion chez le spectateur. On sort de Fear Itself comme d’un rêve ou d’une transe, troublé et ressourcé.

Louise Marmié

 

FEAR ITSELF de Charlie Lyne

Film de montage construit à partir d’extraits de films d’horreur, Fear Itself est une production pas banale, certes. Un long métrage osé, très personnel, trop personnel peut-être, au point qu’on se demande si son réalisateur a tenu compte de son éventuel public.

C’est un film très subjectif que voilà, laissant ses spectateurs se perdre au gré des scènes. En écoutant la voix off qui tente tant bien que mal de nous guider, on voit très vite son attention se dissiper, on ignore cette présence qui nous accompagne, pour se focaliser progressivement sur les images. Des images qui attirent, qui racontent quelque chose.

Des scènes, toutes plus effrayantes et macabres les unes que les autres, qui captivent l’attention au point qu’on « oublie » d’écouter la voix, de lire ce qu’elle raconte si l’on n’est pas anglophone. Alors, confondus face à cet exercice plutôt compliqué, plusieurs choix s’offrent à nous : tenter de récupérer le fil de l’histoire, et dans ce cas ne pas comprendre une scène qui file déjà sous nos yeux ou alors, fixer ses pensées sur les images, réfléchir à leur sens, sans y arriver forcément, à cause d’une voix off parasite.

Dans les deux cas, nous sommes perdants. Jamais nous n’avons le temps de réaliser, de comprendre, puis d’entreprendre. Il faut se contenter des images, qui se suivent et ne jouent jamais la même chose, qui ne parlent pas la même langue. L’intérêt qui devrait être porté à chaque trame n’a pas le temps de naître.

En disséquant et en désossant les films des autres, Charlie Lyne livre une production qu’il est difficile d’appeler un film. On pourra sortir légitimement frustré de ce long-métrage, qui finalement ne raconte rien.

Alice Gapail

 

FEAR ITSELF (Royaume-Uni, 2015), un film de Charlie Lyne. Durée : 88 minutes. Sortie en France non déterminée, mais disponible en ligne, gratuitement et légalement, pour les résidents du Royaume-Uni.

Les Accrédités 2016
Les Accrédités 2016

Lucille Manent, Louise Marmié, Enzo Bessega et Alice Gapail sont élèves de Terminale à Marmande et Bordeaux. Du 13 au 19 octobre 2016, ils sont "Les Accrédités", nos apprentis critiques, et constituent la rédaction d'Accréds pendant le 5e Festival International du Film Indépendant de Bordeaux.

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