MAD MAX : FURY ROAD est un nouvel espoir pour Hollywood

Dans un monde désertique où les humains ne connaissent plus que la brutalité et chérissent les voitures, un homme est capturé par une communauté de sauvages, avant d’être embarqué malgré lui aux côtés d’une fugitive pour qui la libération de la femme ne doit pas être uniquement symbolique : tout nouveau, tout beau, Mad Max revient des années 1980 sous la forme d’un film si créatif et enthousiasmant qu’il redonne un avenir au grand spectacle hollywoodien.

Le grand spectacle hollywoodien est sous respirateur artificiel, mais personne ou presque en Californie ne songe à lui venir en aide, vu qu’il rapporte plus d’argent dans ce coma que quand il se montre original et audacieux. Face à la normalisation effarante des productions, à l’ascendant du teasing sur le long-métrage, à la programmation des sorties sur le très long terme en dépit de l’accueil public (ou avec la complicité de spectateurs qui n’attendent plus rien que la même chose, encore et encore), la machine à rêve est condamnée à connaître prochainement un gros raté comme celui qui précéda l’avènement du Nouvel Hollywood… Il est question d’espoir dans Mad Max : Fury Road, pas d’espoir cinématographique, mais c’est la même chose, car ce film redonne foi en l’avenir. Enfin une superproduction dont les plans ne donnent pas l’impression d’être tous précalculés, de commencer et de finir exactement de la même manière. Enfin quelque chose qui n’a pas été fait mille fois ces dernières années alors que – c’est un comble – il s’agit d’une suite de suite de suite.

Mad Max, c’est une performance d’un Cirque du Soleil composé de voltigeurs psychopathes, une caravane du Tour du France perdue dans le désert qui roulerait depuis 30 ans après avoir épuisé tout son stock de produits dopants.

MAD MAX : FURY ROAD de George MillerRécemment, et si le respect d’un embargo ne nous en avait pas empêché, nous aurions été prêts à écrire l’acte de décès du blockbuster, consternés au sortir d’un film censément original, adapté de rien ou presque et ne faisant pas partie d’une franchise, que rien ne distinguait pourtant d’une franchise, d’une adaptation de la littérature jeunesse ou d’un film de super-héros. Et là, pendant les 2h de Mad Max, c’est une performance d’un Cirque du Soleil composé de voltigeurs psychopathes, une caravane du Tour du France perdue dans le désert qui roulerait depuis 30 ans après avoir épuisé tout son stock de produits dopants. Ce barnum itinérant est assumé, revendiqué au point de s’apparenter à une version bouffonne, automobile et rock de la Chevauchée des Walkyries héliportée d’Apocalypse Now (ce guitariste dont l’instrument crache des flammes, suspendu devant ses enceintes roulantes…). Tout juste peut-on reprocher quelques difficultés à représenter le paysage intérieur de Max – superflu, Miller aurait pu s’en passer – ou à lier action et émotion sans être obligé d’arrêter l’un pour privilégier l’autre. Ce serait injuste, sur le deuxième point notamment, qui trouve son point d’équilibre à temps, dans la dernière demi-heure, et ça ne pèse rien au regard de ce défi constant à l’imagination que nous lance Fury Road.

Pendant que Disney/Marvel oblige ses héroïnes à d’improbables contorsions pour qu’elles montrent simultanément leurs seins et leurs fesses sur les affiches, une femme mutilée fonce à toute berzingue dans le désert, tirant dans son sillage tout ce qu’il peut y avoir de créativité et d’hallucinations.

Charlize Theron dans MAD MAX : FURY ROADIl sera facile de trouver un sous-texte politique au film de George Miller, avec ce petit groupe de femmes après lequel tout le monde roule, qui doit à Barbe-Bleue comme aux enlèvements perpétrés par Boko Haram. On pourra d’ailleurs apprécier le fait que Miller signe la première adaptation du #bringbackourgirls vu sur les marches cannoises l’année dernière, mais c’est davantage le progressisme global du propos qui marque. Miller a une éthique générale intégrant animalisme et féminisme. On connaissait le premier précepte, vu qu’il a toujours considéré les humains comme des animaux, pour le pire et le meilleur (les cochons préservés dans Mad Max 3 pour leurs déjections, sources d’énergie, ont donné Babe, héros à la fois enfant et porcin, tellement attachant qu’il faisait passer l’envie de viande). On savoure l’expression du second précepte, à mesure que l’on voit Charlize Theron, crâne rasé et bras en moins, prendre littéralement le volant en compagnie d’un Tom Hardy entravé et muselé, dont la libération ne marquera pas le retour du héros mais l’avènement de l’héroïne. Pendant que Disney/Marvel oblige ses héroïnes à d’improbables contorsions pour qu’elles montrent simultanément leurs seins et leurs fesses sur les affiches, une femme mutilée fonce à toute berzingue dans le désert, tirant dans son sillage tout ce qu’il peut y avoir de créativité et d’hallucinations.

A ce propos, on espère avoir la mémoire courte, mais on ne se rappelle plus la dernière fois qu’on a vu une bande-annonce excitante sans pour autant être un best-of de film. Le trailer final de Mad Max : Fury Road ne contient quasiment que des images des 15 premières minutes du film. Il en reste 105 à découvrir ensuite. C’est quand la dernière fois que c’est arrivé, de vraiment découvrir un blockbuster et d’être épaté ?

MAD MAX : FURY ROAD (Australie, 2015), un film de George Miller, avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Burn. Durée : 120 min. Sortie en France le 14 mai 2015.

Christophe Beney
Christophe Beney

Journapigiste et doctenseignant en ciné, passé par "Les Cinéma du Cahiers", "Palmarus", "Versès" et d'autres. Aurait aimé écrire : "Clear Eyes, Full Hearts, Can't Lose".

Articles: 385