Newsletter Subscribe
Enter your email address below and subscribe to our newsletter
Tourné et conçu avec les habitants d’un petit village perdu de Russie : on salue la démarche, mais force est de constater que ce récit des expéditions d’un postier bon bougre, avec les histoires qui l’entourent, n’a rien d’enthousiasmant.
Après son adaptation de Casse-noisette en 3D, Andrei Konchalovsky continue sa drôle de carrière qui l’a mené du Premier Maître en URSS (1965) à Tango & Cash à Hollywood (1989). Le frère aîné de Nikita Mikhalov est aujourd’hui de retour en Russie, avec un film situé dans un village perdu au nord du pays. Il a été tourné, pour la plus grande part, avec les habitants du lieu, non-professionnels, à partir d’un scénario minimal apparemment retravaillé avec ces derniers. Le mélange-de-documentaire-et-de-fiction a beau être devenu un pont aux ânes, on avoue une certaine tendresse pour ce qui semble désormais un genre à part entière, à l’origine de plusieurs des films les plus marquants de ces dix dernières années. The Postman’s White Nights suit les pas d’un postier qui se rend chaque jour sur une île difficile d’accès, permettant ainsi de maintenir un lien avec ses habitants (celui-ci, en plus du courrier, leur apporte parfois des provisions, s’interrompt une heure, joue avec les enfants…). Une première journée, pour l’exposition, d’autres, permettant à un récit plus ample de se développer : le postier, bon bougre un peu lourdaud, en pince pour Irina, qui l’utilise vaguement, avec gentillesse, et finit par quitter l’endroit avec son fils quand elle trouve un travail à Arkhangelsk. Entre-temps, plusieurs micro-histoires : un moteur volé, une expédition de pêche ainsi que (plus étonnant) le décollage d’une fusée.
On ne sait pas à quel degré les habitants ont participé à l’élaboration du scénario tel qu’il se présente à l’arrivée. Ce qui est certain, c’est que ces histoires conservent quelque chose d’assez rudimentaire. Non que ce soit forcément un problème. A la limite, ce sont même les plus terre-à-terre qui fonctionneraient le mieux. Le film est convaincant quand il se contente de retracer l’expédition en bateau du postier avec le fils d’Irina. Quand le premier, paternel, mais décidément un peu lourd, tache d’effrayer son nouveau protégé avec ses histoires de sorcières, on y croit. Le problème réside sans doute dans le personnage principal : Konchalovsky aurait pu trouver autre chose qu’une énième figure d’innocent dostoievskien, tellement rebattue dans le cinéma et la littérature russes. De manière générale, le film n’évite pas les écueils des moins bons mélanges-de-documentaire-et-de-fiction : la description du quotidien n’est pas sans platitude et dans le même temps les greffes de fiction apparaissent parfois un brin artificielles, ou forcées. On aurait pu découvrir le nouveau Still Life (que le décollage de la fusée évoque), ou Ce cher mois d’août. On en est loin : The Postman’s White Nights n’a ni l’audace, ni la grâce des précédents, et finit par se réduire à un dispositif dont on perçoit la fécondité mais aussi, surtout, les limites.
Pour dire le réel, on préfèrera la démarche de Court (Chaitanya Tamhane), premier long-métrage qui, non content de rappeler, à la suite deThe Lunchbox, qu’il existe désormais un cinéma indien du centre, ni-Bollywood ni-Satyajit Ray, réussit sans forcer un portrait remarquable de son pays, à travers le procès d’un chanteur activiste. Plusieurs audiences, des personnages de tous les milieux qui défilent, qu’on voit dans leur environnement, dont on découvre les vies, c’est inspiré et précis.
LES NUITS BLANCHES DU FACTEUR (Russie, 2014), un film d’Andrey Konchalovsky. Durée : 90 minutes. Sortie en France le 15 juillet 2015.
COURT (Inde, 2014), un film de Chaitanya Tamhane. Avec Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni, Pradeep Joshi. Durée : 116 min. Sortie en France indéterminée.