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C’est à sa demande que le réalisateur de La vie d’Adèle est allé à la rencontre des étudiants bordelais, lors d’une séance spécialement organisée pour eux. De l’amour à la représentation de la sexualité, en passant par les pâtes bolognaises : l’occasion précieuse de confronter tous les éléments du film à un public normalement plus proche d’Adèle que n’importe quel autre.
« Mais c’est vous qui trouvez ça écœurant ! ». Abdellatif Kechich répond à un étudiant bizarrement heurté par les mauvaises manières de son héroïne à table, et l’insistance du réalisateur à s’attarder sur sa bouche dévorante.Après avoir cloué ces spectateurs à leur siège, le réalisateur de La Vie d’Adèle rencontre, à sa demande, une salle entière de jeunes encore déconcertés par la puissance du film. Le silence admiratif et la timidité laissent rapidement place à la soif de réponses de certains et à l’audace des autres.
« Il y avait cette volonté de filmer le plaisir, la sensualité des choses, comme des bouches qui mangent » reprend Kechiche. Des bouches qui mangent ? La beauté d’une tache de bolognaise sur le visage laisse peut-être quelques spectateurs perplexes. Personne ne nie pour autant la beauté de l’œuvre. « Je voulais retranscrire le plaisir des sens ainsi que les émotions » explique le cinéaste, dont la capacité à enfermer le vrai dans ses images s’avère incroyablement touchante. « C’est ce qui me donne envie de faire ce métier. Depuis mon premier film, je suis à la recherche de cette vérité. Cela demande beaucoup de travail et quand ça arrive enfin, je ne sais pas pourquoi… Cela reste très mystérieux et très excitant ».
« Comme pour d’autres scènes, il était nécessaire de prendre son temps avec les scènes de sexe »
Cette vérité, cette réalité, est omniprésente. Est-ce pour cela qu’Abdellatif Kechich a tourné des scènes intimes aussi longues ? « Comme pour d’autres scènes, il était nécessaire de prendre son temps. Il fallait transmettre le plaisir, le désir, la beauté de l’acte. Il y a un équilibre dans le film entre les scènes, même s’il n’est pas habituel que ce soit si long ». C’est sûr que passé la barre des cinq minutes, notre stupéfaction a fini d’arracher l’habillement de notre accoudoir, et même si nous continuons à être dérangé par la crudité de la scène, notre regard, lui, reste fasciné. Et face à tant de naturel, on s’interroge sur la part éventuelle d’improvisation. « Il y a un scénario de base, mais les changements se font en fonction des acteurs. Je ne suis pas fermé aux idées. Le terme d’improvisation est dérangeant. Il s’agit plus d’adaptations, c’est la liberté des acteurs à s’exprimer » raconte Kéchiche.
« Revoir Adèle plus tard, cinq, dix ou quinze ans après… »
Malgré l’habileté du réalisateur à tourner ces scènes de sexe, un autre problème est apparu, un problème qui fit manifester certains Français, qui fit la une des médias ces derniers mois : l’homosexualité. Kechiche balaie la polémique : « Le spectateur oublie qu’il s’agit de deux femmes, comme moi, je pense ». C’est avec une incroyable finesse que ce point devient un détail, important certes, mais qui ne focalise pas toute l’attention. « Le but premier est de raconter une histoire d’amour » insiste Kechiche. Un lien affectif fort s’est formé entre le cinéaste et son personnage. « Le personnage d’Adèle est tellement beau, orageux… ». Une suite est-elle envisageable ? Kechiche ne cache pas son envie de la retrouver. « Je n’y avais pas pensé durant le tournage, seulement sur la fin. Peut-être la revoir plus tard, cinq, dix ou quinze ans après. Cela continue d’exciter mon imagination… ».
Jérémie Robert
Photos : Justine Vinel