SPRING BREAKERS de Harmony Korine

Sexe, drogues, violence, James Franco… Le spectateur en a pour son argent, mais certains pourraient bien crier « Remboursez ! ». Spring Breakers repose en effet sur une intrigue minimaliste et répétitive, mais Harmony Korine ne vise qu’une chose : l’hypnose.

Quatre adolescentes partent en Floride pour le « Spring Break », vacances de fête et d’alcool réservées aux étudiants américains. Sur place, une mauvaise rencontre leur dévoile de nouveaux interdits. James Franco entouré des icônes ado Vanessa Hudgens et Selena Gomez, des plages de Floride, du sexe, de la violence : Spring Breakers comble nos attentes… pour mieux les déjouer.

Il y a deux ans, Vincent Gallo présentait à Venise son troisième long-métrage, Promises written in water. L’accueil glacial réservé au film – au point d’avoir poussé son auteur à le rendre à jamais invisible – s’expliquait en grande partie par un parti-pris déroutant : Gallo y répétait inlassablement les mêmes mots, les mêmes répliques. Spring Breakers bégaie tout autant, et ces mots entonnés encore et encore, tel un mantra, finissent par envoûter le spectateur. S’ajoutent à cela, les musiques de Cliff Martinez, des ralentis grisants, des séquences éclatées au point de sembler démultipliées et martelées, et l’ensemble confine à l’hypnose. C’est presque un piège tendu par Korine : la vacuité de son récit gêne par instants, mais l’impression s’efface et laisse place à une séduction lascive. Un tour de passe-passe déjà opéré, déjà réussi, avec Gummo (1998) ou le méconnu Trash Humpers (2009). Chez Harmony Korine comme chez Vincent Gallo, les « promesses sont écrites sur l’eau » ou « en eau » : il respecte son cahier des charges, mais son écriture est étrange, sinueuse, et le film se déploie comme un rêve sombre ou un cauchemar lumineux.

Dans To the wonder de Terrence Malick, œuvre qui partage la même narration éthérée que Spring Breakers, une scène reprend figurativement ce lien qui unit les derniers films de Gallo et Korine : Marina (Olga Kurylenko) pose son doigt à la surface de l’eau et se met à écrire. Dans la seconde, ses mots se noient. Elle laisse parler son cœur, quitte à ce que la réalité ne rattrape jamais ses sentiments. Les ados criminelles de Spring Breakers vivent la même situation : elles laissent des messages téléphoniques à leurs proches pour les rassurer, mais leurs actions contredisent systématiquement leurs propos. L’image dit vrai. Une balade de Britney Spears ne saurait empêcher la violence de la séquence qu’elle accompagne. Pendant une fête, quand les traits de ses héroïnes se déforment, étirés et granuleux, c’est leur vrai visage que montre Korine. Le dernier plan du film, peut-être le plus beau de tous, va plus loin encore. Ces filles ne perdent pas seulement leur innocence, elles abandonnent notre monde. Elles s’envolent.

SPRING BREAKERS, Etats-Unis, 2012, un film de Harmony Korine, avec James Franco, Vanessa Hudgens, Selena Gomez, Ashley Benson, Rachel Korine. Durée : 88 min. Pas de sortie en France pour le moment.

Hendy Bicaise
Hendy Bicaise

Cogère Accreds.fr - écris pour Études, Trois Couleurs, Pop Corn magazine, Slate - supporte Sainté - idolâtre Shyamalan

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