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Un ancien mercenaire et un vétérinaire homosexuel traversent les Balkans pour recruter une équipe de choc. La mission : assurer la sécurité de la première gay pride à Belgrade. Quelques (kilo)grammes de maladresse dans un monde de brutes.
Il y a d’abord le phénomène La parade, un Intouchables ou un Bienvenue chez les ‘chtis de la cause homosexuelle dans les Balkans. Il y a ceux qui sont pour. Une majorité à l’évidence : sorti en salles fin octobre dans la région, le film du serbe Srđan Dragojević a enregistré près de 570 000 entrées dont 350 000 en Serbie et 150 000 en Croatie, deux pays co-producteurs avec la Macédoine et la Slovénie. Il y a ceux qui sont contre, comme les groupes extrémistes qui déboulent dans les manifestations pour les droits de la communauté gay en Serbie depuis une dizaine d’années, comme l’Eglise catholique croate qui a interdit la projection du film dans son cinéma à Dubrovnik.
Il y a ensuite le film. Il n’est pas sûr que La parade ait la même résonance au moment de sa sortie française. A moins que la crispation actuelle autour du « mariage pour tous » ne joue en sa faveur. S’il fallait juger La parade sur ses seules (bonnes) intentions, on aurait effectivement affaire à une œuvre militante, à l’humanisme rageur, se jouant des stéréotypes et des caricatures. La cause est noble mais, à l’arrivée, elle est maladroitement défendue. Dragojević risque de lui faire plus de mal que de bien. Le pédé, c’est donc quelqu’un comme vous et moi mais c’est aussi, pour ne pas changer, soit un « nounours » soit une folle qui a bon goût en matières de fringues, s’intéresse à la déco et s’envoie des shots de vodka (un alcool trop fort pour la chochotte qu’il est) en levant le petit doigt. Ce que Radmilo, l’un des personnages principaux, apprendra à ne plus faire lors de son périple avec le mercenaire Lemon dans les Balkans – un faux pas pour Dragojević : si c’est drôle, pourquoi ne pas en rire ? Et si c’est mieux pour le personnage, pourquoi s’en indigner ? Ce qu’il y a également de bien avec le pédé, c’est qu’il est inoffensif, il n’a même pas de sexualité : Radmilo et Mirko, le couple masculin central de La parade, s’aiment d’amour fou mais sans désir. Ils ne s’embrassent pas. Lemon et sa fiancée eux ne sont pas loin de s’envoyer en l’air. Enfin, il est bon de savoir qu’il y a plus sinon autant pédé que le pédé : l’homme super-viril qui pratique le judo. Même démagogie qu’avec le Omar Sy amateur de Dali dans Intouchables : un noir de banlieue peut, ô surprise, peindre et apprécier les grands maîtres. On troque un vieux cliché contre un cliché moins usé.
Habitué à la promiscuité avec les hommes (il a rencontré l’un de ses meilleurs amis à la guerre quand celui-ci était en train de déféquer), Lemon a un film-fétiche : le viril, « trop » viril Ben-Hur, l’un des grands films crypto-gays de l’âge classique hollywoodien. La parade est plus amusant quand il donne cette leçon de décryptage aux brutes homophobes venus des quatre coins des Balkans et aux spectateurs qui n’auraient pas vu le documentaire The Celluloid Closet. A travers le périple de Lemon et Radmilo, qui les mènera de la Serbie au Kosovo en passant par la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, Dragojević milite plus globalement pour la réconciliation entre les peuples et les communautés religieuses. Quand l’engagement prend une tournure tragique, le cinéaste serbe peine à changer de registre. Les images documentaires de la première gay pride de Belgrade en 2010 n’y suffisent pas. La parade se perd dans un no man’s land entre comédie de mœurs et drame militant. Même pas drôle. Même pas mal.
LA PARADE (Parada, Serbie, Croatie…, 2012), un film de Srđan Dragojević, avec Nikola Kojo, Miloš Samolov, Hristina Popović. Durée : 115 min. Sortie en France : le 16 janvier 2013.