Au festiVal-de-Grâce : HANEZU de Naomi Kawase

Présenté en compétition à Cannes en mai dernier et visible en ce mois de novembre au festival Kinotayo de Paris, Hanezu de Naomi Kawase inaugure la rubrique festiVal-de-Grâce. Comme son nom l’indique à demi-mot, celle-ci est consacrée aux « films malades »…

Difficile de mette un nom sur le mal qui étreint Hanezu. Pourtant, ses symptômes se distinguent clairement : le film de Naomi Kawase semble usé, cahotant, indécis. Il se déploie sans ne jamais parvenir à imposer son ton, son sujet, son but à ses spectateurs. Alors, peut-être Hanezu est-il atteint d’Alzheimer ? Le film aurait de vagues souvenirs d’une vie passé, d’errances bucoliques et apaisantes dans les montagnes esseulées de Moe no Suzaku (1997), sous la pluie torrentielle et réparatrice de Shara (2003), aux tréfonds de La forêt de Mogari (2007). Il semble chercher à nous rappeler ses vies passées, se confond en elles, mais le spectateur n’est pas dupe : Hanezu est autre, une silhouette informe qui se meut et tente vainement de communiquer. Le film se répète, une fois, deux fois, dix fois, évoquant inlassablement les mêmes strophes d’un poème du VIIème siècle, sur l’histoire d’amour de deux montagnes. De quoi Kawase nous parle-t-elle ? S’agit-il d’une métaphore filée, au regard de ses quelques couples de personnages formés à l’écran ? Probablement. Seulement, à mesure qu’Hanezu s’écoule, le spectateur finit plus incertain quant aux tenants et aboutissants du récit qu’il ne l’était au départ. Il est perdu, comme enfoncé dans la brume matinale de Suzaku, perdu comme ce frère jumeau dans Shara qui s’évanouit au fond du cadre et disparait à jamais.

Pour mémoire, la bande-annonce en VOST de son fabuleux Shara :



Le diagnostic semble évident, mais quelques détails dérangent encore. A quand remontent les premiers symptômes d’Hanezu ? Quand son mal est-il devenu incurable ? Si le film a manifestement contracté sa maladie dès l’étape du tournage, voire durant l’écriture de son scénario, il ne faut aucun doute que son état a empiré lors de son passage à Cannes. Sur la Croisette, Hanezu a eu le malheur d’être présenté à la presse le même jour que Pater. Et le film d’Alain Cavalier, toute la presse souhaitait le voir : d’une part, parce qu’il s’agissait d’une projection unique en présence de l’équipe du film et, tout autant, parce qu’il possédait l’atout suprême d’être le seul long-métrage de le Compétition sur lequel le sélectionneur Thierry Frémaux s’était étendu en conférence de presse : « C’est l’un des films les plus étranges jamais vus à Cannes », avait-il lâché. Dès lors, la première projo presse d’Hanezu fut considérablement désertée quand la seconde, programmée en toute fin de soirée, ne pouvait pas l’aider outre mesure. Cette journée catastrophe pour la cinéaste japonaise fut parfaitement résumée par les « tableaux des étoiles » du Film Français et de Screen Daily. Tout le monde boude Hanezu : un tiers des votants français a carrément snobé le film et, auprès des quelques votants consciencieux, il récolte l’une des trois moyennes les plus basses de l’édition 2011. La critique internationale fut plus studieuse mais pas plus élogieuse : Kawase repart avec 1,6 sur 4, l’une des notes les plus faibles obtenue par un compétiteur cannois ces dernières années. Non, Hanezu n’a pas eu de chance. A Cannes, plutôt que de chercher un antidote, un consensus s’est formé pour l’achever. C’était plus simple. Mais l’oeuvre flottante de la cinéaste japonaise a plusieurs vies. Le film est sorti dans les salles françaises via UFO Distribution le 1er février 2012.

Avant cela, pour que chacun puisse se faire son opinion, il était diffusé dans le cadre du festival Kinotayo à la Maison de la Culture du Japon à Paris, en novembre 2011.

Pour un aperçu, voici une courte séquence d’Hanezu, sous-titrée en français :



Hendy Bicaise
Hendy Bicaise

Cogère Accreds.fr - écris pour Études, Trois Couleurs, Pop Corn magazine, Slate - supporte Sainté - idolâtre Shyamalan

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