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Une balade lancinante à travers l’Asie, où l’on saute de case en case comme si tout n’était qu’un jeu (mais avec de l’amour, et du hasard). Grand Tour est un film d’époque sans époques, un film magique sans magie, Grand Tour n’est qu’une illusion. Une oeuvre prodigieuse.
Grand Tour se situe au confluent d’œuvres passées de son réalisateur Miguel Gomes : à équidistance de Tabou (2012), autre romance entre côlons en noir et blanc, et de ses Mille et une nuits (2015), rêverie envoûtante donnant l’illusion d’avancer au grès des flots et des rencontres.
Presque rien n’est surnaturel, presque rien n’est magique dans Grand Tour – ou peut-être quelques bulles de savon censées témoigner de la présence d’esprits flottants près d’une stèle –, et c’est bien là le grand tour de passe-passe qu’accomplit Miguel Gomes : en racontant l’histoire vieille de cent ans d’un homme ayant délaissé sa fiancée et fuyant à travers l’Asie (acte I) puis celle de ladite fiancée sur ses traces (acte II), mais en superposant au long des cours des visions plus contemporaines de ce même parcours, l’auteur élabore un gigantesque collage dont la singularité et la beauté est d’être dans un flirt constant avec l’irréel mais sans ne jamais vraiment lui succomber.
Les ambitieux mélanges visuels orchestrés par Miguel Gomes provoquent sans cesse le trouble chez les spectatrices et les spectateurs qui, fasciné·e·s, s’interrogent : comment se fait-il que l’on trouve ici une plus grande proximité entre deux époques distinctes qu’entre deux lieux d’une même époque ?
Glanés aussi de-ci de-là lors de ce grand voyage, d’improbables détournements surgissent à l’écran, de cet arbre ressemblant à s’y méprendre à un instrument de musique et qui amuse des voyageuses à ces quelques câbleurs qui pourraient aussi bien être des équilibristes, en passant par cette maison dont les pilotis sont des appareils électroménagers… Les a-t-on bien vus ? Les a-t-on rêvés ?
Grand Tour est un vrai « film sans frontière », où l’on change d’idiome en un coup de langue, où l’on peut changer d’époque ou d’espace au détour de n’importe quel cut, et peut-être même basculer dans un autre monde quand on s’y attend le moins. Car oui, on avait bien dit « presque » rien de magique. Et ici on a bien dit « peut-être ».
GRAND TOUR (Portugal, France, Italie, 2024), un film de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate et Gonçalo Waddington. Sortie en France non déterminée.