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En racontant l’origin story d’un groupe de rap fictif issu de l’ennui prolétaire dans le New Jersey, Geremy Jasper offre une fable optimiste débordante d’énergie.
« PBNJ »: le nom du groupe de rap que fonde Patricia Dombrowski n’est pas le plus excitant de l’histoire. Ce sont les initiales de son crew, tout simplement. Patti, Basterd, Nana et Jheri, chacun marginalisés pour leur poids, leur âge ou leur couleur de peau. « PBNJ », c’est un peu nul, mais un peu touchant aussi. Voilà peut-être la raison pour laquelle Geremy Jasper, notamment réalisateur de clips pour Selena Gomez, tenait tant à réaliser ce film-là : pour se glisser dans les interstices de la loose, et mettre à l’épreuve l’optimisme contractuel de la production musicale mainstream qui a fait son succès.
Ainsi, plutôt que de se vautrer dans le misérabilisme – héroïne vaillante, monde cruel, tragédie – il trouve la juste mesure entre l’acharnement du sociologue impitoyable et la sympathie sincère pour des personnages auxquels il permet de transcender leur plate condition christique de victimes du système.
Patti se fait insulter pour son poids ? Jasper se garde d’insister sur le fait qu’elle en souffre, et la montre plus agacée que blessée. Celle-ci a d’autres choses à faire, créer, en l’occurrence, s’élever de sa condition de cliché. C’est ici qu’intervient le rap, employé comme dans une comédie musicale, pour décrire les sentiments des personnages ; exactement comme dans un Disney, pour le coup, avec simplement quelques mentions supplémentaires au vagin de l’héroïne.
Cette façon de ne pas chercher à faire larmoyer le public libère de l’espace pour un humour qui fait mouche, toujours très ironique. Le personnage du bassiste Noir égaré dans le Death Metal est savoureux à cause de cela. Celui-ci semble spectateur des événements dans lesquels il se retrouve entraîné par la fougue de Patti, et finit – truc hollywoodien certes éculé – par ne prendre la parole que pour dire ce qui compte. Mais toute la première partie du film, où il ne dit rien, lui permet d’être cette figure ironique, ou du moins dubitative, portée sur Patti : le spectateur n’est du coup pas aveuglément avec elle, comme si Jasper tenait à éviter de prodiguer de l’espoir au rabais. C’est l’avantage des petits films sortis de nulle part : on peut s’attendre à tout.
Même réussite inattendue du côté de la mère de Patti, dont il aurait été facile de faire une alcoolo cupide et cruelle, et qui s’avère assez aimable – assez crédible en somme, faillible et pardonnable. Les personnages secondaires, du pharmacien rappeur au parrain du rap intello et antipathique, permettent à Jasper de louvoyer entre les écueils qui l’attendaient dans le projet risqué de ce « 8 Mile au féminin ».
Tandis que Patti fait sa psychanalyse sur scène, on se retrouve à trouver géniale cette musique loin d’être brillante, mais entraînante, inévitablement : le film tout entier s’articule ainsi autour de l’idée que l’on peut éprouver une sympathie sincère à l’idée de ce qui est un peu raté quand même. Question de stratégie, bien sûr, mais pas seulement.
PATTI CAKES (Etats-Unis, 2017), un film de Geremy Jasper. Avec Danielle Macdonald, Cathy Moriarty, Mamoudou Athie. 1h48. Sortie le 30 août 2017.