Retour d’Oldenburg, le Sundance allemand
S’il y a quelque chose qui ressemble à la terre promise du cinéma indépendant en Europe aujourd’hui, c’est bien Oldenburg. Alors que le Festival du Cinéma Européen des Arcs se concentre sur la production européenne, le Festival International d’Oldenburg est un fervent défenseur des indies du monde entier – avec un accent particulier sur la présentation de films américains – connus ou perdus – en Europe, et plus particulièrement en Allemagne, dans une petite ville du Nord-Ouest, à deux heures de train d’Hambourg. C’est là, que chaque septembre, la magie indie prend forme pendant cinq jours et enchante ses spectateurs, réalisateurs et acteurs.
Il y a une telle abondance de festivals de cinéma dans le monde aujourd’hui qu’il est devenu excessivement difficile de se démarquer. Pourtant, le festival d’Oldenbourg y parvient à merveille, et pas seulement parce qu’il est classé parmi les 25 festivals les plus « cools » au monde par MovieMaker Magazine.
OLDENBURG, LE SUNDANCE ALLEMAND
Le festival d’Oldenburg célèbre l’esprit indie depuis 1994, année durant laquelle il a été fondé par Torsten Neumann et Thorsten Ritter (actuel dirigeant chez Beta Cinema) comme l’homologue germanique de Sundance. Depuis ses débuts, le festival soutient les réalisateurs et films qui défient les courants dominants du cinéma et les blockbusters.
En effet, maintes fois étiqueté le “Sundance Allemand” par la presse spécialisée (Variety, The Hollywood Reporter et Screen International), le festival d’Oldenburg a su évoluer à travers les années tout en préservant son atmosphère intime et son objectif fondateur: célébrer et soutenir les diverses voix et visions des réalisateurs indépendants; honorer la créativité des artistes dont dépend le festival et créer une expérience unique et un endroit de rencontres exaltant autant pour les cinéastes que pour le public et les médias. Par ailleurs, dans un effort de sensibiliser et bâtir des ponts entre des mondes différents, Oldenburg est le seul festival au monde à présenter chaque année une partie de son programme aux prisonniers du JVA et à permettre à ces derniers de partager cette expérience avec le public, dans un environnement de prison de haute sécurité.
Le cinéma indie a considérablement changé ces dernières années. Les films d’art et d’essai sont relégués à la seconde place. Conséquence : les oeuvres plus difficiles à placer sur le marché finissent par se perdre.
Cette année, pour sa 22ème édition, le festival a été inauguré par son directeur et co-fondateur, Torsten Neumann, après un tapis rouge constellé de stars indie et le visionnage de la bande-annonce du festival réalisée par l’actrice Deborah Kara Unger et avec Stacey Keach dans le rôle principal. C’est Jack d’Elizabeth Scharang, dont la première mondiale a eu lieu en août dernier à Locarno, qui a ouvert le festival.
GEORGE ARMITAGE, CINÉASTE AMÉRICAIN MÉCONNU
Le cinéma indie a considérablement changé ces dernières années. Les films d’art et d’essai sont relégués à la seconde place. Les festivals importants suivent cette voie en donnant la priorité au mainstream. Conséquence : les films plus difficiles à placer sur le marché finissent inévitablement par se perdre. C’est pour cela qu’Oldenburg hisse son drapeau indie haut et se bat pour ces films-là. Le choix d’oeuvres dans la section “Independent” reflète cet état d’esprit et cette devise: Crumbs de Miguel Llansó; Dark de Nick Basile; Dixieland de Hank Bedford; I Smile Back d’Adam Salky; Im Sommer wohnt er unter de Tom Sommerlatte; Jack d’Elizabeth Scharang; Tangerine de Sean Baker; The Long Way Home de Sergi Pérez; The Strongest Man de Kenny Riches; Too Late de Dennis Hauck; Travelator de Dušan Milić et Waste Land de Pieter van Hees. De plus, cette catégorie a été compétitive. Les films ont concurru pour le “German Independence Award – Prix du Public” et les acteurs/actrices respectifs, pour le Prix “Seymour Cassel”. Le comité consultatif du festival chargé de déterminer les vainqueurs de ce dernier, et composé, cette année, de Deborah Kara Unger, RP Kalh et Buddy Giovinazzo a décidé de récompenser Sarah Silverman pour son interprétation dans I Smile Back et Nikola Rakočević (récipiendaire du Prix European Shooting Star l’an dernier) pour Travelator. Le meilleur film, selon le public, est le premier long de l’acteur-réalisateur allemand Tom Sommerlatte, Im Sommer wohnt er unter, déjà primé au festival Achtung Berlin en avril dernier.
En créant des personnages mémorablement interprétés par des acteurs comme Owen Wilson, Morgan Freeman et Kris Kristofferson, le cinéaste indépendant George Armitage a relancé ou redéfini les carrières de beaucoup, dont Jennifer Jason Leigh, John Cusack et Alec Baldwin.
Neumann, fervent défenseur du ciné indépendant, a choisi George Armitage comme sujet de rétrospective cette année. En effet, ce dernier est l’un des auteurs les plus énigmatiques des États-Unis et son caractère subversif résonne à travers l’intégralité de son oeuvre où les portraits de marginaux et parias sont peints d’une manière unique par un humour pince-sans-rire, un commentaire politique ironique et la connaissance intime de la sous-culture que ses films capturent. Tournés entièrement en décors réels, ils sont des capsules témoin, infusées de figures iconographiques et d’un esprit satirique qui détourne les genres. Créant des personnages mémorablement interprétés par des acteurs comme Owen Wilson, Morgan Freeman et Kris Kristofferson, Armitage a également relancé ou redéfini les carrières de beaucoup, dont Jennifer Jason Leigh, John Cusack et Alec Baldwin. Ayant commencé, vers la fin des années 1960, à faire des films pour le roi de la contre-culture d’Hollywood, Roger Corman, le jeune auteur et ses stars montantes Jonathan Kaplan, Jonathan Demme, Joe Dante et Allan Arkush, ont transgressé les règles et irrévérencieusement repoussé les limites avec leurs “45RPM Rock ‘n’Roll movies”. Le festival a honoré ce rebelle Rock ‘n’ Roll avec les films suivants: Gas-s-s (1970), Le flic de Miami (1990), Tueurs à gages (1997), Hot Rod (1979), Vigilante Force (1976) et Hitman le créole de Harlem (1972) ainsi qu’avec le “German Independence Honorary Award” remis à Armitage en personne.
JOANNA CASSIDY, BLADE RUNNER ET APRÈS
Armitage n’est pas le seul à avoir été honoré à Oldenburg. Le festival a également mis à l’honneur l’actrice hollywoodienne Joanna Cassidy avec un hommage qui inclut trois titres : le culte et classique Blade Runner de Ridley Scott (1982), Qui veut la peau de Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis (1988) et Under Fire de Roger Spottiswoode (1983) ainsi qu’un “German Independence Honorary Award” et une étoile sur la promenade de la gloire d’Oldenburg. L’actrice a aussi présenté son nouveau film, Too Late, en présence du réalisateur, Dennis Hauck.
Joanna Cassidy est une des rares actrices de sa génération qui n’a jamais eu de problème à travailler simultanément à la télé et au cinéma.
En 1984, Joanna Cassidy a déménagé de San Francisco à Los Angeles afin de travailler à la télévision. Elle est l’une des rares actrices de sa génération qui n’a jamais eu de problème à travailler simultanément sur les deux supports. Certaines de ses oeuvres récentes incluent la série révolutionnaire Six Feet Under (2001) ainsi que Body of Proof (2011), Call Me Fitz (2010) ou actuellement, Odd Mom Out (2015).
COURTS MÉTRAGES…AND THE NORTH
Bien sûr, Oldenburg ne se concentre pas uniquement sur les longs métrages. Parmi les douze courts sélectionnés cette année, les suivants se sont distingués: Taub & Stumm de Victoria Schulz; Merry Xmas de Boman Modine (le fils de la star hollywoodienne et ami du festival, Matthew Modine – avec Dick Van Dyke dans le rôle principal); The Voice in the Head de Cyrus Trafford; Dylan Redford Official du petit-fils de Robert Redford, Dylan Redford, et le gagnant, Free, de l’Hollandais Martijn de Jong.
Mais Torsten Neumann ne souhaite pas uniquement attirer le public, les acteurs et les réalisateurs à son festival. Il veut aussi amener l’industrie à Oldenburg. Pour ce faire, il a organisé, l’an dernier, une rencontre de co-production entre les producteurs allemands et norvégiens intitulée “Linking the North”, en coopération avec le fond régional local de la Basse-Saxe, Nordmedia et Film 3. La seconde édition a été tout aussi fructueuse que la première. Dix projets envisagés pour une sortie au cinéma ou comme série télé ont été traités et discutés. Reinhardt Beetz et Christian Kaps de la compagnie de production hambourgeoise Gebrüder Beetz Filmproduktion ont donné un aperçu de leur co-production avec Fabelaktiv (Norvège) de la troisième saison de la série pour enfants Trio.
Bon nombre de réalisateurs et acteurs se rendent à Oldenburg chaque année et parmi eux se trouvent de noms importants comme par exemple Michael et Mark Polish, Christopher Coppola, frère de Nicolas Cage, Deborah Kara Unger, Seymour Cassel… De plus, les actrices comme Keira Knightley, Whitney Able, Irina Potapenko et Victoria Schulz ont reconnu Oldenburg comme un tremplin pour leur carrière internationale. Cette édition a été particulièrement réussie. Nombreux saluent la persévérance du festival et son travail. Une fois de plus, et maintenant plus que jamais, Oldenburg a montré qu’il est un lieu de découvertes. Même si on peut lui reprocher de favoriser les films américains, tant l’Europe fait figure de conservatrice par rapport à ce style de films, le cru 2015 de films indie a été plutôt brillant.
Le 22ème Festival International d’Oldenburg a eu lieu du 16 au 20 septembre 2015.