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Cinq ans ont passé depuis que le jeune Harold a appris aux siens à faire la paix avec les dragons. Sur son fidèle destrier, Krokemou, il vole toujours plus loin, afin de cartographier un monde sur lequel va vouloir régner un impitoyable maître des dragons… Dragons 2 réitère la performance technique qui contribua au succès de son prédécesseur et élargit brillamment l’horizon de son inspiration jusqu’au pays du soleil levant, des reptiles géants et des sauvageonnes panthéistes.
Dans le générique de fin de Dragons 2 figure un remerciement à Guillermo del Toro. Après avoir montré des reptiliens géants et fait dire à un personnage « qu’il faut des dragons pour combattre les dragons » (« pour combattre des monstres, nous avons créé des monstres » scandait Pacific Rim) ou s’être attardé sur la verdoyante poésie entourant une autre bête (souvenons-nous de la carcasse d’un Grand Ancien tué dans Hellboy 2, laissant sur le bitume un champ de fleurs), c’est la moindre des choses. Del Toro ressemble pourtant davantage à un intermédiaire qu’à une inspiration. Le modèle évident, c’est Hayao Miyazaki, auquel Del Toro emprunte lui-même à l’occasion.
En exagérant à peine, il n’est pas une séquence de Dragons 2 qui n’ait pas déjà son équivalent chez Miyazaki. L’ivresse de l’envol et la minutie des mécaniques volantes (la combinaison truffée de gadgets de Harold, héros avec une jambe en métal, ou les nouvelles ressources de son dragon, Krokemou) rappellent notamment Porco Rosso. Il y a une femme qui est aux dragons ce que Mononoke était aux loups, de grosses créatures aussi bonhommes que Totoro, des visions magiques dignes du Voyage de Chihiro (une silhouette masquée glissant debout sur la crête des nuages), etc.
Le premier Dragons était imprégné de folklore scandinave. Dans le second, Harold profite de sa monture pour élargir son horizon et cartographier le monde. Normal qu’il finisse par atterrir dans un imaginaire extrême-oriental, peuplé de chamans et de godzillas. Il n’en retient pas les ambiguïtés, c’est dommage : Krokemou devient certes malfaisant à un moment, mais parce qu’il est possédé ; autrement tout reste manichéen. Il n’en retient pas non plus la misanthropie latente, c’est tant mieux. Si Dragons 2 est immature dans sa vision du Bien et du Mal, il ne l’est pas dans le domaine amoureux.
Le grand enjeu du premier film était de concilier et d’unir ce qui normalement ne pouvait l’être, les hommes et les dragons. La suite déplace cet enjeu dans le domaine esthétique, en arrivant à un syncrétisme nippo-européo-américain qui fait de cette production un parangon de mondialisation, mais aussi une œuvre universellement positive et optimiste sur la nature humaine.
Le remplacement du duo que forment Harold et sa dulcinée Astrid par un autre couple – qu’il appartient au spectateur de découvrir – marié, plus âgé, expérimenté, en témoigne. Les moments très romantiques que partagent ces époux s’avèrent précieux et délicats. Ils ont beau être ponctués de saillies drôlatiques, là pour désamorcer la solennité qui guette, jamais le film ne perd son sérieux quand il s’agit d’eux. Un compagnon de voyage peut bien ouvrir sa grande bouche au mauvais moment, jamais la scène ne se laisse avorter. L’amour indéfectible entre ces deux personnages rappelle les sagas nordiques comme le Beowulf de Zemeckis ou Game of Thrones, que Dragons 2 cite deux fois de manière flagrante, avec sa mise en scène d’une « mère des dragons » et la voix de Kit Harington (Jon Snow dans la série) au casting.
Le grand enjeu du premier film était de concilier et d’unir ce qui normalement ne pouvait l’être, les hommes et les dragons. La suite déplace cet enjeu dans le domaine esthétique, en arrivant à un syncrétisme nippo-européo-américain (le grand méchant est un nouvel Achab, mutilé plus jeune par celui qu’il chasse) qui fait de cette production un parangon de mondialisation – ne soyons pas naïfs – mais aussi une œuvre universellement positive et optimiste sur la nature humaine. Et tendre, parce qu’il reste très difficile de ne pas laisser échapper un gloussement d’attendrissement à chaque apparition d’un dragon, tant la créativité du bestiaire déployée est réjouissante. C’est le seul registre dans lequel Dragons 2 surenchérit par rapport à son prédécesseur, déjà bien pourvu à ce niveau, en multipliant les textures (écailles, peau noire brillante comme du skaï), les formes et les couleurs, à la manière des Pokémons, avec pour tous un point commun : chaque bête reste une adorable petite chose, susceptible d’attendrir son monde, surtout les combattants. Voilà pourquoi tout finit bien : on arrive forcément à faire la paix quand on se fait la guerre à coups de peluches.
DRAGONS 2 (How To Train Your Dragon 2, Etats-Unis, 2014), un film de Dean DeBlois, avec les voix de Jay Baruchel, Gerard Butler, America Ferrera, Kristen Wiig, Cate Blanchett. Durée : 105 minutes. Sortie en France le 2 juillet 2014.