EXTRATERRESTRE de Nacho Vigalondo
Sous la cloche d’une soucoupe volante hypnotique, les protagonistes d’Extraterrestre s’essaient au vaudeville, pour un résultat hilarant sur fond de romance.
Julio se réveille en mode « Very Bad Trip » dans l’appartement d’une inconnue avec qui il vient probablement de passer une nuit torride. Une simple hypothèse puisqu’il ne se souvient de rien. Voilà le point de départ d’Extraterrestre. Mais là où le pitch devient alléchant, c’est qu’il s’aperçoit très vite qu’une soucoupe volante géante trône au-dessus de la ville. Tout le monde semble avoir déserté les lieux et ne reste que les deux tourtereaux d’un soir, un tantinet gênés par la situation. Extraterrestre peut se définir telle une comédie de mœurs fantastique. Ou même comme la rencontre improbable de Buñuel avec Tchekhov et Roswell. Soit une belle idée de film absurde menée à son terme avec brio.
Pour ce faire, Nacho Vigalondo mise sur une écriture comique délicieuse. Toute la farce tient d’abord au mensonge. Et comme chez Tchekhov, le premier bobard condamne à ne plus jamais être sincère. Par l’abondance de quiproquos et de magouilles, le héros Julio s’enfonce de plus en plus dans une aventure improbable. Lui et Julia veulent éviter de se faire prendre par Carlos, le vrai « boyfriend » de la belle qui surgit à l’improviste. Alors tous les moyens sont bons pour sauver les apparences. D’une naïveté confondante, le dindon de la farce prend pour argent comptant les mensonges de Julio. Dernier larron en foire de cette histoire : Ángel. Ce voisin de palier aime secrètement Julia. C’est Carlos Areces, vu récemment dans Balada Triste, qui donne vie à ce personnage drôle et pathétique. Trois hommes et un coup fin…
Dans un engrenage qui n’exclue jamais une possibilité de s’amuser, Extraterrestre construit son vaudeville avec la même obsession pour l’isolement que Buñuel. Le monde extérieur n’existe pas. Seuls quelques rebelles piratent les ondes télévisuelles et animent un journal de résistance. Madrid est désert, comme si le seul pouvoir de la soucoupe volante était d’escamoter toute vie sur Terre. Du souffre post-apocalyptique se dégage un espace de jeu sans limite. Bridé par les moyens financiers, Vigalondo préfère rester dans l’appartement la majeure partie du temps. La plus belle partie du film montre l’attirance amoureuse progressive des deux menteurs professionnels. Un vrai morceau de comédie romantique se met en route. Ils s’effleurent la main sans se faire prendre, ils s’étreignent la nuit en espérant ne pas réveiller le pauvre Carlos. Sa naïveté, jusqu’au bout, permet les affabulations les plus improbables à Julio. Du coup, le film ne lésine pas avec la cruauté. Mais s’il est bien un personnage qui en prend plein la tête, c’est le voisin.
Porté par la mine patibulaire d’Areces, ce gros nounours redouble d’imagination pour se venger de la méchanceté qu’il subit. La crédulité étant décidément le maître mot, on se demande si tous ces personnages ne seraient pas sous l’effet hallucinatoire des aliens qui rôdent au dessus de la ville. D’ailleurs, Vigalondo unifie dans un même plan un croquis de la soucoupe avec le corps de la belle allongé sur son lit. Le regard curieux du héros semble nous dire à quel point toutes les clés de la raison ne sont pas livrées. Il incarne pourtant le pendant rationnel de l’histoire, lui le mythomane en chef, le dessinateur de talent, l’inventeur de tours de passe-passe. Il ne recolle pas toutes les pièces du puzzle. L’étrangeté surréaliste d’Extraterrestre crée paradoxalement une cohérence dans le propos et dans l’absurde. Un peu comme si des gaz indolores envoyés par les visiteurs de l’espace exacerbaient les comportements humains. La roublardise du couple Julio/Julia révélerait un besoin de croquer l’instant présent et l’expression amoureuse des personnages illustrerait la fureur des sentiments.
Extraterrestre (Espagne, 2011), un film de Nacho Vigalondo, avec Michelle Jenner, Carlos Aceres, Julián Villagrán. Durée : 90 min. Date de sortie en France : inconnue.