A LONELY PLACE TO DIE de Julian Gilbey

Quoi de mieux pour un nouveau festival que d’entamer sa toute première compétition internationale avec un film qui interroge la fonction esthétique du numérique. Et ce, à défaut d’assister à un spectacle novateur et au point de vue clairement établi.

Du vœu même des organisateurs du PIFFF, le but de cette nouvelle réunion est de donner à ressentir des sensations extrêmes. Pari intéressant pour démarrer la compétition que A Lonely Place to Die, survival dans les hauteurs des Highlands. Un genre assez rare depuis Cliffhanger. Le vertige de l’altitude devient un enjeu de survie majeur dès lors qu’une chasse à l’homme s’y mêle. De ce programme alléchant, une triple déception en découle.

D’abord son questionnement esthétique. Le tournage numérique travaille les aspérités de la roche. Rien de mieux pour rendre le roc coupant, dangereux et maître des lieux. Les multiples vues d’hélico contextualisent assez bien la petitesse de l’homme face à l’immensité de la tâche qu’il tente d’accomplir. Sauf que la présence même du corps humain déséquilibre l’harmonie de l’instant. Dans une séquence d’ouverture quelque part entre le spot de prévention, la série « Extrême Limite » (si si !) et un film d’aventure plus respectable, A Lonely Place to Die mise simplement sur ce contraste pictural. On devine sans mal la volonté de Julian Gilbey de régler ses caméras pour d’abord mettre en valeur l’environnement. D’autant plus logique que nous sommes face à un survival, autrement dit, une position de faiblesse de l’Homme sur la nature. La recherche chromatique sur les forêts, les vallées et autres rivières eut été probante si le look général du film n’évoquait pas tant un reportage pour la chaîne Géo.

Ce qui anéantit l’éventuelle attirance théorique pour le roc vient du conflit permanent entre une mise en scène maladroite et un découpage incohérent. Car si le segment « aventurier » de A Lonely Place to Die fonctionne en partie, le revirement du dernier tiers en polar sur fond de kidnapping d’enfant n’a aucun intérêt. Gilbey mise sur une abondance de thématiques déjà mille fois travaillées. A savoir des personnages archétypaux (un jeune con et vantard, une petite fille objet d’innocence, un chef de groupe prêt au sacrifice…), traqués par des kidnappeurs d’enfants. Le problème de point de vue général nuit au bon déroulement de l’intrigue. La caméra ne se focalise pas simplement sur le groupe d’alpinistes du dimanche. Il révèle l’identité des méchants au moment le plus inopportun : à savoir quand ils ne sont pas encore à portée de leurs proies. Révéler l’origine du mal avant même de s’y frotter amenuise la tension. L’angoisse du survival vient en principe de la force inconnue qui nous pourchasse. La puissance non quantifiable de la nature devient alors un facteur potentiellement indépassable pour le héros (repensez à Battle Royale…). Dans A Lonely Place to Die, la nature devient un simple terrain de jeu où les chutes, impressionnantes, n’ont pas le même impact selon l’importance du personnage. Du coup, une dégringolade amortie par des branches et un peu d’eau suffisent à sauver une héroïne qui aurait dû y laisser sa peau. Sa cuirasse de reptile fait d’elle un personnage presque plus fort que les deux chasseurs un peu bêtes.

Au sein même de chaque séquence, la mise en scène pose d’inextricables soucis. Le découpage est fait d’alternance de plans d’ensemble doux, un poil oppressants grâce aux grues ou travellings lents, et d’une multitude de caméras portées, voire de caméras subjectives. On passe de l’introduction de Shutter Island au Projet Blair Witch sans aucune logique. Un problème central dès qu’il s’agit de filmer une scène d’escalade. La contrainte du dénivelé a poussé Gilbey à poser ses cadres partout où il était possible pour jouer sur les peurs. Et que dire des ralentis et autres mauvais effets symptomatiques de toute une génération biberonnée aux propositions de final-cut et aux slow motions en 25 images /seconde. Des maladresses presque attachantes pour un film malheureusement plus proche du mauvais polar que du vrai survival.

A LONELY PLACE TO DIE (Grande-Bretagne 2011), un film de Julian Gilbey avec Melissa George, Ed Speleers, Eamonn Walker. Durée : 99min. Date de sortie en salle en France : inconnue