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Premier film de fiction de Wissam Charaf, présenté à l’ACID, Tombé du ciel est au format carré. Fort bien car rien ne doit dépasser ici : le petit programme de fable burlesque est orchestré avec minutie, trop bien sûr.
Durant les premières minutes, un homme traverse la neige puis des terres plus arides, avant d’être porté à bout de bras par quatre autres. Une fable grave semble débuter, la solennité de la musique aidant à établir ce constat hâtif. Il faudra trois bourre-pifs et deux chutes façon slapstick durant les dix minutes suivantes pour que cette première impression s’estompe. En réalité, Tombé du ciel est bien une fable, mais sur un mode burlesque, et même un burlesque lo-fi. Par exemple, quand un garde du corps meurt, on dépose ses fameuses lunettes noires sur le linceul. Comme le détail se lit dans un coin de l’écran, on ne s’esclaffe pas, on sourit.
Avec cet humour pince-sans-rire, et une intrigue s’articulant autour de la réunion de deux frères dont l’un serait l’homme sans passé et l’autre sans voix, Charaf s’inscrit très nettement dans une double inspiration Suleiman / Kaurismäki. Le petit programme est bien orchestré, si bien qu’il ne ménage aucune surprise. D’autant moins que la répétition et la gradation en sont les moteurs comiques et l’attente des gags se fait polie ; ce qui n’empêche pas de sursauter quand l’homme sans voix explose la télé de son voisin avec un Bazooka.
Un Bazooka parce que c’est la guerre, ou une après-guerre ayant laissé les survivants dans un état second. Si rien n’est explicite sur la nature du conflit, on sait au moins que le film est libanais, et l’on supposera naturellement que l’union recherchée à chaque instant entre l’absurde et la violence invite à épaissir la fable d’une réflexion sur la Guerre du Liban. Un enrichissement frêle mais nécessaire, car si l’on n’appose pas de sous-texte à Tombé du ciel, l’intrigue sommaire et les enjeux souvent irrésolus tendent à l’inanité.
Au bout de 70 minutes, on s’interroge : le film gagnerait-il à en dire plus, ou moins ? Pour retomber sur ses pattes, il forme alors une boucle, avec l’image initiale de l’homme porté par d’autres qui se répète mais sous d’autres cieux. La fable se conjuguerait de tous temps finalement, et à l’universel. Wissam Charaf ne parlerait pas plus de Liban que de tout autre conflit charriant ses folies et ses fantômes. Ah. Impossible de savoir si la proposition gagne ou perd en consistance. Mais la facilité narrative et le petit plaisir provoqué chez le spectateur amené à reconnaître un motif et à se questionner à son sujet, tout cela tient plus de l’accomplissement d’un programme de cinéma gagnant que d’une envie profonde de raconter une histoire.
Pour sa présentation à Cannes en 2016, on aurait plutôt cru le découvrir au Certain Regard ou à la Quinzaine, qui de temps en temps se contentent petitement de ce type d’objet bien fait, refait, refermé. Les films de l’ACID ont souvent plus encore de cœur que d’esprit, c’est en cela que cette greffe ne prend pas.
TOMBE DU CIEL (France-Liban, 2016), un film de Wissam Charaf avec Rodrigue Sleiman, Raed Yassin, Said Serhan, George Melki, Durée : 70 minutes. Sortie en France courant 2016.