WHILE WE’RE YOUNG ne donne pas envie de vieillir avec Noah Baumbach

Un couple de quarantenaires (Naomi Watts et Ben Stiller) s’entiche de deux jeunes ayant l’âge d’être leurs enfants (Amanda Seyfried et Adam Driver), qui leur renvoient une image désirable de ce qu’ils étaient vingt ans plus tôt et une autre cruelle de ce qu’ils sont devenus. L’auteur et réalisateur Noah Baumbach a l’âge des premiers, et ce qu’il a à nous dire sur les différentes étapes de la vie et la relève des générations fait malheureusement de While we’re young une triste régression par rapport aux si beaux Greenberg et Frances Ha.

While we’re young inquiète rapidement, car il se met presque d’entrée à tirer à la ligne sur la base de son pitch du niveau d’un sketch de Funny or Die (avec casting à l’avenant, mi-comique mi-hype). Les « vieux » – à 45 ans… – d’un côté, les jeunes de l’autre, et les oppositions de style et de philosophie entre les deux clans traitées non pas comme dans un clip des Enfoirés mais sur le ton du clin d’œil amusé et complice. Au début cela fait sourire puis le manque de matière, de développement des personnages fait grandir la lassitude. Le scénario est fainéant, ce qui étonne de la part de Baumbach. Ce dernier ne sort de son indolence qu’à l’occasion d’une poignée de séquences qu’il fait durer avec délectation, faisant grandir un malaise absurde (une soirée de purification chez un shaman dont les accessoires sont un puissant vomitif et l’intégrale de Vangelis sur un iPod) ou angoissant – une projection privée où le héros Josh (Ben Stiller) se rend compte que son faux ami / vrai rival Jamie (Adam Driver) lui a volé sa place auprès de toutes ses relations personnelles et professionnelles.

Ce n’est que tardivement que While we’re young s’engage dans cette voie de la rivalité entre les deux hommes, tous les deux réalisateurs de documentaires. Baumbach arrête enfin de papillonner sans but, pour se concentrer sur la divulgation du « complot » dont Josh a été victime, telle la protagoniste de Rosemary’s baby en son temps lointain. La référence incongrue n’est pas de nous mais du film lui-même, qui creuse l’idée de la confrontation entre un individu intègre isolé d’une part, et de l’autre une conjuration silencieuse et manipulatrice impliquant l’ensemble de son entourage. Le film y gagne un enjeu, donc un intérêt, qui nous ranime avant malheureusement de chuter lorsque l’on voit où Baumbach veut en venir. Le dénouement absout Jamie de toutes les crasses et manigances véreuses qu’il a accomplies pour arriver à ses fins – le succès, la gloire – au seul motif qu’il est jeune. Car les jeunes, si l’on en croit la doctrine de While we’re young, auraient de toute façon raison, y compris lorsqu’ils ont tort (ce sont alors les règles qu’il faut changer, pas eux) ; et s’il y a des « vieux » pour le contester c’est qu’ils sont périmés, bons pour la retraite artistique.

Noah Baumbach a 45 ans, l’âge de ses héros soi-disant obsolètes. S’il se considère comme déjà has been, c’est bien triste

L’épilogue enfonce le clou, en proposant sa version de la réorientation personnelle à laquelle ces « vieux » démodés devraient dès lors s’astreindre : faire des enfants ou, s’ils ne le peuvent pas, en adopter. Peu importe que Josh et sa femme Cornelia aient répété sur tous les tons qu’ils ne voulaient plus essayer d’avoir un enfant, le film le leur impose, parce qu’ils n’auraient soi-disant plus l’âge de créer quelque chose de valable par eux-mêmes. Cela peut valoir pour les sportifs, poussés sur la touche et dans le staff technique lorsque leur corps ne peut plus suivre ; mais pour un artiste l’idée d’une retraite si précoce est absurde, il n’y a qu’à demander à Spielberg, Scorsese, de Oliveira, ou Resnais qui a tourné et inventé jusqu’à sa mort. Noah Baumbach a 45 ans, l’âge de ses héros obsolètes. S’il se considère comme déjà has been, c’est bien triste. Même s’il est vrai que sur le thème du décalage entre les générations, il s’était bien mieux exprimé en une séquence de Greenberg (entre le duo Juno Temple – Brie Larson et déjà Ben Stiller) que sur l’ensemble de While we’re young.

WHILE WE’RE YOUNG (Etats-Unis, 2014), un film de Noah Baumbach, avec Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver, Amanda Seyfried. Durée : 97 min. Sortie en France le 22 juillet 2015.

Erwan Desbois
Erwan Desbois

Je vois des films. J'écris dessus. Je revois des films. Je parle aussi de sport en général et du PSG en particulier.

Articles: 529